Le Parapluie (Maupassant), Analyse sémiotique
Louis Panier

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– Séquence B : les aventures du parapluie

« Or pendant deux ans … de malveillance ou de vengeance »

La seconde séquence s’ouvre avec l’apparition du parapluie, entre M. Oreille et Mme Oreille. Là où l’on avait la figure abstraite de l’argent, on trouve un objet singulier, dont on peut suivre le parcours. La dégradation du parapluie s’inscrit dans les relations intersubjectives.

Différentes figures du parapluie se succèdent dans le texte : le parapluie « initial » (rapiécé, porté pendant deux ans), le parapluie (de réclame) à 8F 50, le parapluie à 18F, l’instrument raccommodé, l’objet crevé (puis après la dissociation des acteurs, il faudrait suivre les figures de la canne et du parapluie brûlé à recouvrir). Ce parcours est scandé par des marques temporelles (pendant deux ans, en trois mois, le soir, le lendemain, le soir), et par des caractéristiques spatiales. D’une part, le parapluie, seul, est présent dans tous les espaces du récit : maison, ministère, assurance, magasin, et d’autre part il constitue à lui-même un dispositif spatial susceptible d’organiser un petit univers sémantique. Le parapluie, mis en discours ici, conjugue en effet le dedans et le dehors, l’ouvert et le fermé, le montré et le caché ; il peut assurer une forme figurative du contenu.

On peut remarquer ici comment les grandeurs figuratives, une fois mises en discours, ne sont pas seulement au service de la représentation figurative d’un monde (l’impression référentielle), mais comment elles constituent et articulent les éléments d’une forme figurative du contenu. L’analyse discursive s’attache en particulier à décrire ces formes figuratives du contenu, qui ne sont pas à confondre avec les formes narratives.

Cette séquence se caractérise par son organisation narrative déployée autour du parapluie et de ses transformations : différentes formes de dégradations appellent différentes formes de restauration, ou de liquidation du manque, pour lesquelles Mme Oreille s’avère suffisamment compétente (soit dans l’achat d’un parapluie neuf, soit dans la réparation d’un parapluie abîmé). L’ensemble demeure dysphorique et l’on aboutit enfin au désastre irréparable qui met les sujets « au pied du mur » en face d’un « objet sans valeur » (« perdu sans valeur » … « tu n’en auras plus »). .

Le parapluie, dans sa première « version », est d’emblée situé dans le parcours de M. Oreille, et mesuré selon les valeurs de son programme de /réputation/.

Au plan figuratif, lors de son entrée dans le discours, le parapluie est caractérisé par sa durée (deux ans) et par sa monotonie (c’est toujours le même parapluie qui subit l’usure du temps).

Narrativement, le parapluie est un objet qui permet à M. Oreille de réaliser son programme principal (faire bonne figure au Ministère) : il s’agit donc d’un objet-modal dont l’acquisition focalise un programme d’usage au service d’un programme de base. Or le parapluie de M. Oreille, tel qu’il apparaît dans le récit, ne remplit pas les fonctions de l’objet-modal (rapiécé, il donnait à rire à ses collègues) : il ne permet pas d’obtenir l’objet-valeur. Les quolibets des collègues sont la sanction de cette transformation déceptive dont le temps est responsable.

On peut observer ici l’articulation entre deux parcours narratifs successifs. L’un s’achève avec l’usure du parapluie (transformation dont le résultat est déceptif) et la sanction effectuée par les collègues de bureau (représentant le Destinateur épidémique auquel M. Oreille est attaché). Notons que cette sanction est manifestée, dans le texte, selon le point de vue de M. Oreille : la lassitude qui le touche peut s’analyser comme un état pathémique (affectif). La sanction ne fait pas appel à des objets-messages extérieurs, mais elle est référée au sujet lui-même (à son « état d’âme »). La lassitude de M. Oreille peut s’analyser comme le franchissement des limites du supportable (dans son système de valeurs). Un second parcours narratif s’ouvre à partir de cet excès ; il vise à la restauration de l’état euphorique de M. Oreille (objet-valeur) … et du parapluie (objet-modal) qui en est le garant. Dans ce nouveau programme, M. Oreille lui-même assume le rôle de Destinateur déontique (il fait faire, il exige) et le rôle de Destinataire (c’est à son profit que l’opération doit être réalisée) et Mme Oreille est en place de Sujet Opérateur (c’est elle qui doit réaliser l’opération qui attribuera à M. Oreille l’objet exigé).

On peut observer ici la différence entre acteur et rôle actantiel : un même acteur (M. Oreille) est susceptible de supporter plusieurs rôles actantiels (Destinateur et Destinataire). À l’inverse, il est possible qu’un seul rôle actantiel soit assumé par plusieurs acteurs. Lorsqu’on veut définir le rôle actantiel (narratif) d’un acteur il convient donc de toujours préciser à quel niveau de programme on se situe et autour de quelle performance s’organise ce programme.

Ce programme narratif est bien réalisé (le parapluie acheté est attribué à M. Oreille) mais il accomplit le système de valeurs de Mme Oreille (la /non-dépense/) au détriment des valeurs poursuivies par M. Oreille (la /réputation/) : le parapluie est une réclame à 8F 50.

On peut observer ici comment le même élément figuratif (il s’agit toujours d’un parapluie) une fois mis en discours est susceptible d’acquérir des rôles thématiques divers (et même concurrents) : objet commun, il représente le ridicule dans le parcours de M. Oreille ; objet de peu de prix, il manifeste l’économie réalisée par Mme Oreille.

On peut relever quelques figures du caractère déceptif de ce parapluie : l’objet n’est pas unique, mais au contraire « jeté par milliers dans Paris » ; ce n’est pas la durée qui en viendra à bout, c’est la mauvaise qualité (correspondant au prix modique, c’est-à- dire à ce qui pour Mme Oreille représente une valeur positive) ; et il marque le triomphe de la moquerie : la gaieté devient générale, elle est manifestée par une chanson qui remplit l’espace et le temps (on entendait la chanson « du matin au soir, du haut en bas de l’immense bâtiment »).

Au plan narratif, la performance qui aboutit à cette deuxième version du parapluie (8F 50) est susceptible d’une double évaluation : performance réussie pour Mme Oreille car cet achat est conforme à son système de valeurs (la /non-dépense/) (mais il n’y a pas de manifestation figurative de cette sanction positive); performance échouée pour M. Oreille puisque ce parapluie ne peut jouer le rôle qu’il attend de lui, et la sanction négative est largement manifestée. L’échec de M. Oreille est manifesté dans le discours par les figures de l’ « horrible souffrance » et de l’ « exaspération » qui marquent, sur une isotopie pathémique, une progression : progression dans la moquerie, progression dans les effets subis par M. Oreille. Cette phase du récit permet donc d’inscrire la différence entre les univers de valeurs et les programmes des deux sujets. Il y a là de quoi organiser un conflit, mais le discours n’emrpunte pas véritablement cette piste.

Dans le parcours narratif de M. Oreille, nous retrouvons un état déceptif, un état de manque inaugurant un programme de restauration : M. Oreille (comme Destinateur) ordonne à sa femme (sujet opérateur) de lui fournir un nouveau parapluie, conforme à son système de valeurs, en posant des exigences et des preuves de la qualité.

Un troisième parapluie entre en scène, qui semble pouvoir satisfaire les deux protagonistes et leurs univers de valeurs : Mme Oreille gagne 2F sur la dépense, et M. Oreille obtient un vrai succès au bureau. On pourrait entrer dans une phase euphorique du récit où chaque sujet est satisfait. Une fin de l’histoire…

Eléments de description narrative.

Nous présentons dans les paragraphes qui suivent une description plus formalisée de la composante narrative de la première moitié de cette séquence. Il s’agira de suivre pas à pas la procédure de description et de présenter les éléments de formalisation de l’organisation narrative. Nous suivrons donc la succession et la hiérarchie des programmes narratifs qui aboutissent au « triomphe » de M. Oreille.

Programme narratif de base

Dans la situation initiale, M. Oreille peut être décrit comme un sujet d’état disjoint de la valeur par laquelle il est défini (en fonction du programme sur lequel il s’est trouvé inscrit) : la /réputation/. On écrira : (S1 Ov) – S1 désigne le rôle de Sujet d’Etat joué par M. Oreille – Ov (Objet-valeur) correspond à la /réputation/.

La conjonction à la /réputation/ : tel serait l’enjeu du programme principal (ou programme de base) où M. Oreille, notons-le, assume également le rôle de Sujet Opérateur. Le déploiement du parcours narratif de base articule cet objet-valeur principal à un autre objet (ici, le parapluie) qui peut être considéré comme un objet-modal (Om), enjeu d’un programme d’usage, et représentant la compétence ou la qualification qui permet à M. Oreille d’acquérir l’objet-valeur principal. Si le parapluie perd ses qualités, M. Oreille se trouve disjoint de l’objet modal nécessaire à l’acquisition de l’objet-valeur, et un objet modal doit être à nouveau acquis pour que le programme de base se poursuive.

L’usure du parapluie (première version) correspond donc pour M. Oreille à une disjonction de l’objet-modal (S1 Om) et, par conséquent, de l’objet-valeur. Cette situation de disjonction peut être décrite comme le terme d’un parcours narratif antérieur, déceptif, où « le temps » aurait joué le rôle d’opérateur (d’Anti-sujet -AS- par rapport à M. Oreille). On peut transcrire ce parcours déceptif : F(AS) → [(S1 ∩ Om) → (S1 Om)] La performance de l’Anti-Sujet (AS) consiste à transformer une situation de conjonction : (S1 ∩ Om) en situation de disjonction (S1 Om)

La perte de l’objet-modal et de l’objet-valeur est doublement sanctionnée : – par la moquerie des employés de bureau, qui représentent ici le Destinateur épistémique (système des valeurs sociales) au nom duquel est évalué le statut de M. Oreille. – par M. Oreille lui-même qui doit supporter cette moquerie. Cette sanction met en jeu des éléments pathémiques (la « lassitude ») et concerne un système de valeur individuel assumé par M. Oreille.

Programme d’usage n°1.

M. Oreille est donc un Sujet d’état disjoint de l’objet-modal (Parapluie en état) et de l’objet- valeur (/réputation/) ; cette situation peut servir de point de départ – comme situation de manque – pour un nouveau programme narratif d’usage (acquisition d’un nouveau parapluie) dans lequel nous pouvons repérer les phases caractéristiques du schéma narratif : Manipulation – Compétence – Performance – Sanction.

MANIPULATION : M. Oreille, comme acteur, assume plusieurs rôles actantiels sur ce nouveau programme d’usage : Sujet d’état disjoint (état de manque à combler) Destinateur instaurant un sujet opérateur pour cette performance. La manipulation qui met en relation un Destinateur et un Sujet opérateur (rôle assumé ici par Mme Oreille) est ici figurée par l’ « exigence » : Mme Oreille est donc un sujet opérateur modalisé par le devoir-faire. La manipulation met en perspective une performance (à réaliser), ici manifestée par « l’achat d’un parapluie ». Le discours du récit ne manifeste aucune réplique de Mme Oreille, comme si la manipulation s’effectuait immédiatement ; mais nous savons par la première séquence que Mme Oreille s’inscrit par ailleurs et préalablement dans un système de valeurs, autre que celui de M. Oreille, et dans lequel la dépense est une opération dysphorique. Un même acteur syncrétise deux positions narratives différentes sur deux programmes narratifs différents.

COMPETENCE : Le sujet opérateur instauré doit acquérir la compétence nécessaire à la réalisation de la performance. Cette phase narrative n’est pas ici développée : Mme Oreille est supposée munie du pouvoir-faire et du savoir-faire nécessaires à cette opération d’achat. Mais on sait, par la première séquence que Mme Oreille est également compétente sur le parcours narratif de la non-dépense (« elle savait la valeur d’un sou » !) qui vient s’opposer aux nécessités de la dépense. Mme Oreille, comme acteur, est donc installée sur deux parcours narratifs opposés. Sur l’un, qui correspond à son programme de base, la dépense est une performance dysphorique (perte de l’ojet-valeur), sur l’autre, qui correspond au programme que lui ordonne de réaliser son mari, Mme. Oreille est le sujet opérateur, modalisé par le devoir-faire. Concernant les performances de dépense, il faudrait noter, pour Mme Oreille un double statut modal : sujet du devoir-faire (aux ordres de son mari) et sujet du vouloir-ne-pas-faire (en fonction de ses propres valeurs).

PERFORMANCE : Elle consiste pour le sujet opérateur (Mme Oreille) à acquérir l’objet du programme et à le transmettre au destinataire – Sujet d’état (M. Oreille). Ici, cette performance articule deux opérations : l’ « achat » (forme de l’échange) et le « don ».

Rappelons que l’échange organise le transfert de deux objets entre deux sujets : (O1 S1 ∩ O2) ——–> (O1 ∩ S1 O2) (O1 ∩ S2 O2) ——–> (O1 S2 ∩ O2) où, par exemple : S1 = Mme Oreille ; S2 = un marchand de parapluies ; O1 = un parapluie et O2 = l’argent (8F 50). (Mais notre récit ne manifeste pas ici comme acteur particulier le « marchand de parapluies ») alors que le don organise le transfert d’un objet entre deux sujets : (S1 O1 ∩ S2) ——–> (S1 ∩ O1 S2)

« Mme Oreille achète un parapluie à 8F 50 … »

Dans la performance d’achat, elle met en oeuvre sa compétence de femme économe (qui l’inscrit sur le parcours narratif de la non-dépense) : l’objet acquis est un « article de réclame », objet-modal invalide dans le programme de base de M. Oreille. Le parapluie n’assume pas les valeurs (pratiques et esthétiques) attendues : la performance est considérée comme déceptive : l’objet-modal ne permet pas d’acquérir l’objet-valeur recherché, ce que manifeste la sanction.

SANCTION : Cette phase narrative correspond à l’évaluation (opération cognitive et véridictoire) de la performance et à la rétribution, ou attribution des objets-messages qui viennent signaler l’identité du sujet reconnu. Ici la sanction est doublement développée. Le temps d’abord met à l’épreuve la solidité du parapluie (sa mauvaise qualité se trouve dévoilée) ; ensuite les employés du bureau, assumant le rôle de Destinateur épistémique, dénient la valeur du parapluie comme support de la réputation de M. Oreille. La chanson correspond à l’objet-message.

Programme d’usage n°2

Comme plus haut, l’écart entre les objets-modaux acquis (parapluie de réclame) et l’objet-valeur visé (/réputation/) crée une situation dysphorique (état de manque) qui sert de départ à un nouveau parcours narratif : programme de base visant à l’acquisition d’un objet-modal.

MANIPULATION : M. Oreille (dans le rôle de Destinateur) « ordonne » à sa femme (sujet opérateur modalisé par le devoir-faire) de lui fournir un parapluie. Ici la manipulation se complexifie puisque l’on met en perspective à l’avance une forme de sanction du sujet opérateur ; la facture justificative sera la manifestation (la preuve) que la performance d’achat s’est bien effectuée selon les valeurs indiquées par le Destinateur (un parapluie en soie fine, de 20F). La facture (qui fait appel à un tiers) vient ici en place du contrat fiduciaire qui, dans la manipulation, établit entre le Destinateur et le Sujet opérateur, un accord sur la valeur des valeurs : la facture justificative vient en place de la parole donnée.

COMPETENCE : Comme précédemment, cette phase n’est pas développée.

PERFORMANCE : Comme plus haut, il s’agit d’une performance d’achat et d’attribution (« elle acheta … et remit à son époux »). Ici encore, Mme Oreille (acteur) est inscrite (comme sujet opérateur) sur deux parcours narratifs, celui où l’instaure l’ordre de son mari et celui de la non-dépense où elle est initialement installée. Le parapluie acheté ne coûte que 18F (au lieu des 20F exigés), et lorsque Mme Oreille remet le parapluie à son mari, elle est « rouge d’irritation » (cette rougeur du visage est un objet- message relatif à la sanction dysphorique de Mme Oreille selon le système de valeurs de la /non-dépense/): le programme de non-dépense s’est trouvé soumis au programme de M. Oreille, mais non pas totalement réduit.

SANCTION : Dans la sanction, la valeur des objets acquis dans la performance est évaluée au nom des différents systèmes de valeurs en cause dans le programme narratif. Il peut y avoir des conflits d’interprétation… Mme Oreille, au nom du système de la /non-dépense/ évalue le parapluie attribué à son mari (« tu en as là pour cinq ans au moins »), mais elle est « rouge d’irritation », et cette figure manifeste le conflit d’interprétation. Comme précédemment, les employés de bureau assument le rôle de Destinateur, mais (enfin !) pour une sanction euphorique : le triomphe de M. Oreille, sujet conjoint à l’objet-valeur qui le défini, et reconnu véritablement comme tel : l’être et le paraître se rejoignent ici.

Au plan narratif, le triomphe de M. Oreille au bureau correspond à la sanction, dans cet espace social, des performances réalisées dans l’espace de la maison (achat et attribution du parapluie par Mme Oreille). Lorsque M. Oreille rentre chez lui, une nouvelle sanction s’effectue, évaluant, dans l’espace de la maison, les performances réalisées dans l’espace du bureau. Les deux lieux principaux de cette séquence correspondent à deux espaces de valeurs.

On notera que M. Oreille est soumis à un double système de sanction : au bureau du Ministère on sanctionne les performances d’acquisition de parapluie (selon le système de valeurs de la /réputation/) ; à la maison, Mme Oreille sanctionne les performances réalisées au bureau (selon le système de valeurs de la /non-dépense/).

Mme Oreille découvre ce que le parapluie cache. À la maison, elle assume le rôle de Destinateur épistémique (pour la sanction). Elle réalise une opération cognitive, un faire interprétatif, statuant sur ce qui s’est passé au bureau à partir du paraître du parapluie (la brûlure). Cette opération interprétative met en oeuvre les catégories modales de la véridiction.

On peut observer ici le fonctionnement narratif et discursif du faire cognitif. L’interprétation de Mme Oreille projette un parcours narratif dans lequel M. Oreille est Sujet opérateur d’un méfait (« tu es fou, tu veux nous ruiner, tu as fait des farces au bureau avec lui dans ton bureau »). Ce parcours, débrayé, référé à l’interprétation de Mme Oreille, fait écart avec le parcours préalablement enregistré dans le récit lui-même et vient faire sens par rapport à lui (un vaniteux victime des moqueries vs un saltimbanque faisant des farces). La véridiction se construit dans l’écart de ces deux parcours.

Au retour du bureau, le parapluie révèle un manque : il est brûlé. Il faut remarquer que ce méfait demeure sans auteur connu : « Tu as brûlé »… « Je n’ai rien fait »… « Je ne sais pas ». Cette dégradation relève de l’accident, qui survient sans qu’on puisse, dans une sanction, le situer dans un anti-programme, sans qu’on puisse en établir ou dénoncer le cause (l’anti-sujet et sa compétence). Convenons d’appeler « événement » ce dispositif figuratif et narratif.

Au plan discursif, la brûlure est la figure du méfait (« un trou rond, grand comme un centime lui apparut au milieu du parapluie »). On peut préciser les données figuratives de ce méfait :

– le parapluie a « un milieu », un point caractéristique dans un espace organisé

– le « trou » s’oppose ici à l’intégrité du parapluie, à un paraître sans faille qui assure la /réputation/ de M. Oreille. Ce trou est qualifié de « plaie » ce qui renvoie la brûlure à la blessure d’un organisme vivant.

– le trou est « gros comme un centime » : cette figure permet d’articuler les deux isotopies figuratives (l’apparence et le prix) qui prennent en charge le parapluie dans le texte.

Au plan narratif, un nouveau programme se développe qui vise à la transformation de la situation négative : le méfait est réparé (sans dépense nouvelle, puisque Mme Oreille raccommode le nouveau parapluie avec l’ancien). Cette opération, conforme au système de valeurs de Mme Oreille (une réparation sans argent dépensé) se réalise au détriment de l’esthétique, et de la vanité de M. Oreille.