Perspectives nouvelles sur la lecture,
2011 Anne Pénicaud

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[31] L. HJELMSLEV, Prolégomènes à une théorie du langage, op. cit., « Le terme de figure est employé par L. Hjelmslev pour désigner les non-signes, c’est-à-dire des unités qui constituent séparément soit le plan de l’expression, soit celui du contenu. », Article « Sème », DRTL, p. 332.

[32] Cf, pour le détail de ces modifications, l’Article « Sème », DRTL, p. 332.

[33] Le « noyau sémique » d’une figure est ainsi, on le voit, à la fois très limité et destiné à être précisé par les « sèmes contextuels ». Ces éléments de définition se trouvent indiqués par A-J GREIMAS dans l’ouvrage fondateur de la sémiotique, Sémantique structurale, Paris, Larousse, 1966, ch 4 « La signification manifestée », pp. 42-54. Ils sont également repris, dans une perspective de présentation pédagogique, par l’ouvrage réalisé par le CADIR sous le nom de « Groupe d’Entrevernes » : Analyse sémiotique des textes, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 1988.

[34] Article « Génératif », DRTL, p. 160.

[35] J. GENINASCA, « Place du figuratif », in Le Bulletin du Groupe de Recherches sémio-linguistiques, n° 20, 1981, p. 5.

[36] J. GENINASCA, « Place du figuratif », op. cité. p. 6. Il note ailleurs que « ce que l’on appelle la vocation discursive des figures tient aux relations que celles-ci sont appelées à contracter avec d’autres figures », « Identité des grandeurs figuratives », p. 208. F. Martin explicite ainsi cette proposition : « La figure est une virtualité d’effets signifiants qui appelle auprès d’elle d’autres figures tout aussi riches d’effets possibles de signification. Quand donc elle est reconnue dans un discours, elle ne demande pas d’être décodée selon un sens préétabli. […] le procès de signification se trame à partir de ces multiples effets signifiants que sont les figures elles-mêmes dans leur capacité à s’accrocher entre elles et à s’interpréter les unes les autres ou à s’entrechoquer au point de créer obscurcissements et ruptures de sens. » Fr. MARTIN, op. cit., p. 135.

[37] J. GENINASCA, « Place du figuratif », op. cité. p. 14.

[38] Intervient ici la question du rapport entre « signe » et « figure ». Pour Geninasca comme pour Hjelmslev, la figure est un « non signe ». Les signes sont une forme de fixité et de clôture dont l’absence, précisément, définit les figures. Sur ces questions, cf Annexe 1.

[39] J. GENINASCA, « Place du figuratif », op. cit., p. 8. Par cette proposition, Geninasca prolonge la dynamique engagée par Greimas, lorsqu’il définit le concept de « figure » en écart avec les mots. Cependant sa définition des figures comme articulation entre « sèmes nucléaires » et « sèmes contextuels » conservait une certaine proximité avec l’approche lexicologique. En rabattant la signification des figures sur leur inscription dans un texte, la proposition de Geninasca les dégage au maximum de l’emprise des mots.

[40] J. GENINASCA, « Identité intra et intertextuelle des grandeurs figuratives », in Exigences et perspectives de la sémiotique, Recueil d’hommages pour Algirdas-Julien Greimas, 2 vol., H. PARRET– H.G. RUPRECHT éd., Paris, Benjamins, 1985, pp. 212-123. Le figural est ainsi ce qui qualifie l’existence première des figures, à l’intérieur des textes, comme des places vides affectées par le suspens provisoire de toute signification. C’est seulement en un second temps que des catégories sémantiques viendront déterminer les figures en fonction des réseaux dans lesquelles elles sont insérées. Cette détermination est elle aussi marquée par le provisoire : elle est à la fois unique, car déterminée par le texte dans lequel elles sont insérées, et instable car les catégories qui définissent les figures évoluent dans le cours d’un texte. Sur ces questions, et aussi sur l’importance des recherches de J. Geninasca pour les travaux du CADIR, cf. de L. PANIER, « Figures et discours sur la mort de Jésus : contributions sémiotiques à une réflexion théologique » in A. GIGNAC, A. FORTIN éd. « Christ est mort pour nous » Études sémiotiques, féministes et sotériologiques en l’honneur d’Olivette Genest, Montréal, MediasPaul, 2005, pp. 61-84.

[41] J. GENINASCA, « Identité intra et intertextuelle des grandeurs figuratives », op. cit., p. 210. Pour plus de précisions sur ces questions voir « Pour une sémiotique littéraire », Actes Sémiotiques – Documents IX, 83, 1987 (rééd. « Sémiotique », in M. DELCROIX et F. HALLYN éd., Introduction aux méthodes littéraires, Méthodes du texte, Duculot 1987. Se reporter aussi à « Du texte au discours littéraire et à son sujet », in Le discours en perspective, Nouveaux Actes sémiotiques 10/11, 1990. On trouvera une présentation succincte des travaux de J. Geninasca par P. SADOULET dans les n° 86-88 de la revue Sémiotique et Bible, juin-sept-déc. 1997.

[42] J. GENINASCA, « Place du figuratif », op. cit., p. 15.

[43] La rencontre avec les positions de J. Geninasca s’explique probablement, pour une bonne part, par la spécificité des textes bibliques et par l’importance qu’ils accordent aux figures. En cela, ils sont nettement plus proches des textes poétiques que des textes narratifs, et en particulier des contes qui constituaient le terrain d’exercice privilégié de la sémiotique greimassienne.

[44] La recherche sémiotique s’inscrivait là dans le cadre de la pensée scientifique de son temps. Beaucoup d’auteurs pourraient être cités là. Pour éviter d’allonger trop ce temps de préalables on bornera cette référence à trois noms, particulièrement importants dans l’histoire de la pensée du CADIR : en linguistique E. Benveniste, en anthropologie psychanalytique J. Lacan et en théologie M. de Certeau.

[45] Dans l’approche sémiotique, l’énonciation est comprise comme « l’instance de l’instauration du sujet (de l’énonciation). Le lieu qu’on peut appeler l’ « ego hic et nunc » est, antérieurement à son articulation, sémiotiquement vide et sémantiquement (en tant que dépôt de sens) trop plein : c’est la projection (avec les procédures que nous réunissons sous le nom de débrayage), hors de cette instance, et des actants de l’énoncé et des coordonnées spatio- temporelles, qui constitue le sujet de l’énonciation par tout ce qu’il n’est pas » (id, p. 127). Définissant l’approche sémiotique de l’énonciation, Greimas ajoute : « La structure de l’énonciation, considérée comme le cadre implicite et logiquement présupposé par l’existence de l’énoncé, comporte deux instances: celles de l’énonciateur et de l’énonciataire. On appellera énonciateur le destinateur implicite de l’énonciation […]. Parallèlement, l’énonciataire correspondra au destinataire implicite de l’énonciation […]. Ainsi compris, l’énonciataire […] [est aussi] le sujet producteur du discours, la « lecture » étant un acte de langage (un acte de signifier) au même titre que la production du discours proprement dite. Le terme de « sujet d’énonciation », employé souvent comme synonyme d’énonciateur, recouvre en fait les deux positions actantielles d’énonciateur et d’énonciataire. », Article « Énonciateur / Énonciataire », DRTL, p. 125. Pour plus de précisions à ce propos, on se reportera à l’Annexe 1 du présent travail.

[46] Comme indiqué à la note 3 de ce parcours, le schéma de la communication se trouve dans l’ouvrage de R. JAKOBSON, Essais de linguistique générale, op. cit., « Linguistique et poétique », pp. 207-248, et notamment p. 214.

[47] J. DELORME, article « Sémiotique », Supplément au Dictionnaire de la Bible, op. cit., pp. 303-304.

[48] 48 Durant les trente années de son existence, l’équipe du CADIR a réuni nombre de chercheurs : certains durables, d’autres pour une période plus limitée. Certains de ces « passants » ont eu une grande importance dans ses travaux. Notamment, dans les premières années du Centre, Ivan Almeida et Georges Combet. En parallèle l’équipe a rassemblé de façon constante, entre 1979 et 2000, cinq permanents : trois exégètes – Jean Calloud, Jean Delorme, Jean-Claude Giroud –, le théologien Louis Panier, et le philosophe François Genuyt. D’autres chercheurs l’ont rejointe en cours de route pour ne plus la quitter : notamment François Martin, spécialiste des sciences du langage et théologien, ainsi que l’auteur de ces lignes, de formation initiale littéraire, qui participe aux travaux du CADIR depuis 1993. La date de 2000 est ici choisie comme démarcation en raison de son caractère symbolique, mais aussi parce qu’elle constitue à peu près la limite d’une période marquée par les départs en retraite successifs des membres les plus âgés de l’équipe et par le décès de l’avant-dernier arrivé, François Martin, disparu en janvier 2001. 2001 marque aussi, de ce fait, le renouvellement de l’équipe du CADIR, renouvellement signifié par l’arrivée de l’auteur de ce travail à la direction du Centre.

[49] La « signifiance » est une notion clef de la conception de la lecture développée au CADIR. Fr. MARTIN la présente ainsi : « L’objet de la lecture en effet n’est plus de comprendre le sens du texte manifesté, ni d’émettre un jugement d’acceptation ou de refus sur les valeurs qu’il proposerait. La lecture est un travail porté sur cette dimension où les figures, proches de l’insignifiance, déroulent le défilé de leurs représentations opaques, font entendre la rumeur sourde d’une langue oubliée, et cependant s’ordonnent les unes aux autres en une forme qui, comme telle, vise à signifier ». Fr. MARTIN, op. cit., p 93-94. Cette expression a été empruntée par le CADIR à Roland BARTHES, qui en rend compte en ces termes: «Il me semble distinguer trois niveaux de sens. Un niveau informatif, ce niveau est celui de la communication. Un niveau symbolique, et ce deuxième niveau, dans son ensemble, est celui de la signification. Est-ce tout ? Non. Je lis, je reçois, évident, erratique et têtu, un troisième sens. Je ne sais quel est son signifié, du moins je n’arrive pas à le nommer. Ce troisième niveau est celui de la signifiance », « La mort de l’auteur », in R. BARTHES, Dans le bruissement de la langue, Essais critiques, IV, Paris, Seuil, 1984, pp. 63-69. L’écho entre les deux définitions nous semble éclairant. A titre de prolongements, citons quelques autres fragments de ce texte. Ainsi par exemple : « L’image de la littérature que l’on peut trouver dans la littérature courante est tyranniquement centrée sur l’auteur, sa personne, son histoire, ses goûts, ses passions […] : l’explication de l’œuvre est toujours cherchée du côté de celui qui l’a produite, comme si, à travers l’allégorie plus ou moins transparente de la fiction, c’était toujours finalement la voix d’une seule et même personne, l’auteur, qui livrait sa « confidence ». Et aussi : « L’Auteur, lorsqu’on y croit, est toujours conçu comme le passé de son propre livre […]. Tout au contraire, le scripteur moderne naît en même temps que son texte ; il n’est d’aucune façon pourvu d’un être qui précéderait ou excéderait son écriture, il n’est en rien le sujet dont son livre serait le prédicat ; il n’y a d’autre temps que celui de l’énonciation, et tout texte est écrit éternellement ici et maintenant ». On lira encore, plus loin dans le même article : « Ainsi se dévoile l’être total de l’écriture : un texte est fait d’écritures multiples, issues de plusieurs cultures et qui entrent les unes avec les autres en dialogue, en parodie, en contestation ; mais il y a un lieu où cette multiplicité se rassemble, et ce lieu, ce n’est pas l’auteur, comme on l’a dit jusqu’à présent, c’est le lecteur : le lecteur est l’espace même où s’inscrivent, sans qu’aucune ne se perde, toutes ces citations dont est faite une écriture ; l’unité d’un texte n’est pas dans son origine, mais dans sa destination […] la naissance du lecteur doit se payer de la mort de l’Auteur ». Dans un sens analogue, U. Eco indique: « L’auteur devrait mourir après avoir écrit. Pour ne pas gêner le cheminement du texte ». U. ECO, « Apostille au nom de la rose », Paris, Grasset, 1985, p. 512.

[50] Article « Sémiotique », DRTL, p. 345.

[51] J. DELORME, article « Sémiotique », Supplément au Dictionnaire de la Bible, op. cit., pp. 318-319.

[52] Il n’est absolument pas anodin à cet égard que les penseurs mentionnés ci-dessus (Benveniste, Lacan, de Certeau) soient des penseurs du « sujet ». Voir ainsi ce que Greimas note à propos de Benveniste : « L’apport novateur de Benveniste a pu donner lieu, il est vrai, à de nombreuses exégèses d’ordre métaphysique ou psychanalytique, exaltant toutes la réapparition inespérée du sujet […] En ramenant les choses à des proportions plus modestes, il ne nous paraît pas impossible d’intégrer la nouvelle problématique dans ce cadre plus général que constitue l’héritage saussurien. » Article « Énonciation », DRTL, p. 126.

[53] Les parenthèses ne sont pas dans le texte d’origine. Elles ont été ajoutées ici pour faciliter la lisibilité du texte.

[54] J. DELORME, article « Sémiotique », Supplément au Dictionnaire de la Bible, op. cit., pp. 318-319.

[55] « C’est à partir de l’énoncé mis en discours que se pose la question du sujet de l’énonciation, de son instauration, de son rôle et de sa structure » L. PANIER, La naissance du fils de Dieu, Paris, Cerf, Cogitatio fidei n° 164, 1991, pp. 109- 110. Voir aussi, de L PANIER, « Une pratique sémiotique de lecture et d’interprétation », C. COULOT, Exégèse et Herméneutique. Comment lire la Bible ? Paris, Cerf, Lectio Divina n° 158, 1994, pp. 113-130.

[56] On trouvera une première mise en forme de cette recherche dans l’article A. PENICAUD, « Repenser la lecture ? Enjeux d’une approche énonciative des textes », in Regards croisés sur la Bible (Lectio divina Hors série), D. MARGUERAT dir., Paris, Cerf, 2007 , pp. 267-286. Cet article a été repris, sous un titre différent (« Repenser la lecture ? Enjeux d’une approche énonciative des textes ») et avec une forme modifiée, dans Sémiotique et Bible n° 131 / sept 2008, pp. 3-28.

[57] Sur ces questions, se reporter à l’Annexe 1 du présent travail.

[58] Parmi les personnes avec lesquelles a été mené ce dialogue scientifique il faut avant tout mentionner ici la théologienne québécoise Anne Fortin, dont la rencontre il y a dix ans a inauguré ce parcours de recherche, et qui l’a depuis lors étayé par sa posture énonciative d’interrogation critique et de suggestion. Mais également François Martin : le travail partagé avec lui avait en effet préparé le terrain à cette rencontre. Ainsi que Louis Panier, dont la compétence et la générosité scientifiques, ainsi que l’œuvre considérable n’ont cessé d’alimenter la réflexion menée ici. Il faudrait également évoquer les « pères fondateurs » du CADIR : Jean Delorme, Jean Calloud et François Genuyt. Leurs écrits, mais aussi leurs paroles en ont disposé les fondations. Un nouveau visage du CADIR a également commencé à se former peu à peu durant les années passées, en particulier autour d’un noyau constitué par le québécois Luc Chartrand, le français Olivier Robin et l’auteur de ces lignes.

[59] 59 S’instaure là un écart significatif entre la définition sémiotique des acteurs, des espaces et des temps et celle qu’en donnent des gestes de lecture indexés sur une référence « réaliste ». Cet écart doit être explicité car il est source de malentendus potentiels. Pour la sémiotique acteurs, espaces et temps ne sont donc pas déterminés en rapport avec un référent extra-textuel mais à l’intérieur des textes.