Jean 14, en écoutant Jean Delorme II

François Génuyt, II, notes prises sur les conférences données en Savoie, 1998-99

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Le testament spirituel de Jésus

Selon Jean 14

Suivre le chemin tracé par le texte, c’est toujours une expérience qui transforme le lecteur en raison du travail que le texte lui impose de faire. Toute lecture, et particulièrement celle de la Bible, est donc un parcours initiatique. La première tâche est donc d’en déterminer les moments principaux.

Deux indices concordants encadrent le chap. 14. Ils concernent le « trouble » : « que votre cœur ne se trouble pas » (14, 1 et 27). La recommandation couvre tout le chapitre. Un premier antidote au trouble est donné dans l’appel au « croire ». L’incitation reviendra à plusieurs reprises au cours d’une première partie ( 2-14). Par la suite il sera question de « l’amour », il prendra le relais du « croire » sous la recommandation : « aimer, c’est garder la parole ».

I. Ne pas être dans le trouble : « croire » (14, 1)

Le trouble affecte les disciples. Il est causé par la séparation prochaine : là où Jésus s’en va, les disciples ne peuvent aller. Le trouble survient dans l’expérience d’un vide. Comment vivre sans le Maître ? L’avenir est vide. Jésus propose un antidote au trouble : « vous croirez en Dieu, croyez aussi en moi ». La raison apportée est simple : croire en Dieu, c’est croire en quelqu’un qui ne s’en va pas. Cela permettrait de croire en celui qui s’en va.

Il faut revenir ici sur l’expression : « croie en »; Elle implique un mouvement vers, où le croyant pénètre jusqu’à l’intime de Dieu. Cet élan vers Dieu ne peut se réduire à la simple affirmation que Dieu existe. « Dieu existe », « les Papous existent », ce sont des informations, recevables ou non, elles n’engagent pas la vie. Par contre « croire en Dieu », c’est un mouvement de sortie de soi pour établir ses bases en Dieu. Il faut savoir qu’en hébreu le verbe « croire » et la « vérité » ont même racine. Le vrai, c’est le solide, nous dirions le réel même. Le point de vue de la Bible veut dire cela : même si l’on revenait au Tohu Bohu initial, croire en Dieu, c’est avoir un appui sûr ! Un rocher ! Il ne faut donc pas avoir peur, même si, par le départ du Christ, tout appui paraît soutiré.

II. Le départ du Christ : comment vivre dans la foi (14, 2-14)

Pour combattre le trouble, Jésus va fournir les bases d’appuis pour tenir dans le temps de la séparation. Premiere annonce : « Dans la maison de mon Père, il y a de nombreuses demeures, sinon pourquoi vous aurai-je dit que je vais vous préparer une place ? « (14, 2). Deux choses à remarquer :

– la première, c’est que, sans le dire, Jésus répond à la question de Pierre lui demandant « où vas-tu ? » – réponse : »dans la maison de mon Père ». Tenons compte cependant d’une grosse différence entre la question et la réponse : où est la maison ? A quelle distance ? Pourrait-on demander. Relevons la différence entre le langage spatial et le langage religieux. La réponse de Jésus dépouille toute curiosité sur le lieu et la distance. Sans doute la maison est-elle une image spatiale, mais c’est d’abord une image parlante, parce que ce qui compte, ce n’est pas le lieu mais la présence du Père.

– la seconde : le Père, c’est l’engendrement de la vie. Où aller de plus assuré qu’à la source de la vie ? Or la source de la vie, elle part dans tous les sens. Pas étonnant qu’il y ait de la placer dans la « maison de mon Père ». Et pour beaucoup de monde : la « maison de mon Père », c’est aussi la maison de votre Père, et c’est chez vous, mais vous n’y êtes pas encore…

Il faut( donc dé-spatialiser les images pour les convertir en présence du Père. Etre de la maison du Père, c’est lui appartenir en raison d’une lignée, qui est celle de la vie. On se rappellera à cet égard la réponse de Jésus aux Pharisiens qui niaient la résurrection des mortels : « Le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob n’est pas le Dieu des morts mais des vivants ». Or Abraham, Isaac et Jacob sont des chefs de lignée, des ancêtres – des gens par qui la vie a commencé pour tout un peuple. Alors, s’il est le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, il est le Dieu de tous les vivants. Les ancêtres sont, morts, certes, mais s’il n’y a pas de résurrection, alors Dieu est mort. Eblouissante est la rapidité du raisonnement.

« Et quand je m’en serai allé et que je vous aurai préparé une place, de nouveau je viens (et non pas: je reviendrai) et je vous prendrai auprès de moi, pour que là où je suis, vous aussi vous soyez » (14, 2). Il faut convertir le « là où je suis » en présence. Le problème n’est pas d’être quelque part, ici ou là, mais d’être ensemble, peu importe l’endroit.

2.1. La promesse (14, 2-1)

Le propos est acceptable parce que Jésus en disant ce qu’il dit, est en train de faire une promesse. Sur ce, deux points sont à retenir : – Jésus répond à la question « où vas-tu », mais il y répond de travers, de façon à montrer que la question n’a pas de sens spatial. Si = la maison de mon Père, ne peut être un lieu, mais un « demeurer ». Jésus dépasse la question. – De plus la réponse est une promesse, c’est-à-dire une parole, mais une parole dans laquelle s’engage celui qui la prononce de telle sorte que celui à qui elle s’adresse acquiert un droit à tenir l’objet de la promesse.

De ce fait, la promesse possède deux vertus structurantes. Celui qui la reçoit va être « solidifié » (consolidé) dans son être. Ainsi l’enfant à qui sa mère promet une bicyclette à Noël. Pendant les six mois d’attente, la parole tiendra lieu de la chose. Le petit apprend à vivre sur la parole plutôt que sur une chose, et donc à substituer la parole à la chose. Croire, c’est alors prendre appui sur une parole. Mieux vaut tenir que courir, dit-on, mais c’est la parole qui fait courir avant de tenir, alors que la chose reste à distance de temps et de lieu. Apprendre à vivre dans la distance, c’est-à-dire dans la séparation, c’est apprendre à vivre sur la base d’une parole, entrer par là dans l’apprentissage du « croire ».

Le désir

Ajoutons encore : croire, c’est apprendre à différer l’apprentissage du désir. Pas tout, pas tout de suite, dit la mère à l’enfant. Tout n’est pas possible, sous peine d’imiter la grenouille qui veut se faire aussi grosse qu’un bœuf ! Tout, c’est l’explosion, l’éclatement en tout sens. Dans la promesse, la parole se met entre le désir et la chose. Ce que de plus elle apprend au désir, c’est qu’il ne sera jamais satisfait par la possession de la chose. Par contre, elle apprendra que le désir profond, c’est d’avoir quelqu’un à qui parler et qui nous parle. En somme le désir, c’est la désir d’un Autre, pas le désir d’une chose.

Dans le récit de la Genèse, Yahwé lui-même apprend à reconnaître le désir profond d’Adam. Que va-t-il lui donner pour satisfaire son désir ? Un jardin à cultiver ? Des animaux à nommer et dresser ? Non, car rien de tout cela n’est accordé au désir d’Adam. Que faire ? Le parti pris, c’est de lui enlever une côte, preuve qu’il avait quelque chose en trop. Donc on lui enlèvera une moitié de son être pour qu’elle devienne un Autre qui lui soit accordé. Alors son désir pourra se déployer, et se déployer dans la parole échangée.

En conclusion, grâce à la promesse les disciples, sans Jésus, vont apprendre à devenir disciples de Jésus, parce que être disciple de Jésus, c’est prendre sa parole au sérieux et non pas de l’avoir à ses côtés. Croire, c’est prendre appui sur une parole donnée.

2.1. Le chemin, la vérité, la vie (14,4-7)

« Là où je vais, vous savez le chemin ». Il suffit en effet que vous sachiez que là où je vais, c’est la maison de mon Père. Pas besoin de savoir où c’est, parce que c’est partout et nulle part, mais vous savez le chemin.

Réaction de Thomas : « comment peut-on savoir le chemin si on ne connaît pas le but ? » Il raisonne comme si le but était quelque part. Réponse de Jésus :

« Je suis le chemin ». Le chemin cesse d’être une image spatiale, le chemin c’est Lui. Quelqu’un endosse l’image du chemin, le dépouillant par là de toute connexion spatiale. Il l’endosse par sa parole qui devint la figure du chemin. (Exemple de figure = l’opération par laquelle la Parole, d’abord comparée à un glaive, mais un glaive qui aurait perdu son manche et sa lame !).

« Je suis la vérité ». On pense tout de suite à la vérité sous l’idée d’un corps de doctrine, quelque chose que l’on connaît dans l’ordre du savoir. L’évangile ouvre une autre voie. La vérité est mise par Jésus après le chemin. On pourrait dire, c’est une vérité en chemin, – les deux termes sont inséparables. Le chemin-verité va conduire ceux qui l’empruntent de vérité en vérité, sans jamais arriver au bout de la vérité, sans pouvoir la détenir dans un savoir. Ce qui amène à dire que la vérité c’est un « être », ce n’est pas un « avoir ». Il s’agit, non d’avoir, mais de devenir vrai. A quoi reconnaît-on cette vérité d’être ? C’est la vie.

« Je suis la vie ». Ce qu’il faut entendre par la « vie » s’éclaire par la phrase suivante : « personne ne vient vers le Père sans passer par moi ». Donc le chemin, c’est le chemin vers le Père. En somme, le chemin, la vérité, la vie, c’est même cheminement vers le Père. Tout cela s’explique très bien puisque le Père c’est la source de la vie. La vérité de mon existence, c’est de réaliser la vérité de ma naissance à partir de son origine.

L’origine. Personne n’a son origine en soi. On ne peut croire au Père sans se dépouiller de la prétention d’avoir son origine en soi pas plus que sa fin. Origine et Fin sont les deux trous noirs qui encadrent mon existence, l’alpha et l’oméga de l’Apocalypse. A cette impossibilité de raconter l’origine, la Genèse substitue le récit des commencements pour répondre à la question : « quand je n’étais pas né, qu’est-ce que j’étais ? ». La question angoisse souvent les enfants. Heureusement, le couple père et mère donne une figure de commencement : cela tranquillise… Mais le commencement n’est pas l’origine. Le mystère de l’origine reste entier.

Le terme. Où allons-nous ? L’existence nous est donnée entre une Origine et un terme que nous ne pouvons pas imaginer. Ce qui ne vaut pas dire qu’il n’y a pas de terme ni d’origine. Dans notre situation, il faut se contenter de croire qu’il y a un chemin conduisant vers le Père, et que c’est un chemin de vérité et de vie. Et d’autant plus vivifiant qu’il ne fait pas l’économie de la souffrance et de la mort. Tel est le poteau indicateur du chemin : celui où il y a des souffrances, des épreuves qui sont la garantie de sa vérité. Et il n’est pas de Père pour vous les épargner. Il en va comme dans le développement de l’enfant à l’égard de son père, le croyant doit mourir à une certaine image idéale de Dieu pour entrer dans la vraie vie.

2.3. Le passé de la vie avec Jésus et ses ressources présentes (14, 6-11)

« Montre-nous le Père et cela nous suffit ». La question est de Philippe. Son impatience est révélatrice d’une contradiction. Il a bien saisi qu’à voir le Père, on est au but, mais alors il n’y a plus de chemin à faire ! Philippe retombe dans une conception spatiale du voir. Jésus va parler d’un autre type de connaissance : « depuis si longtemps que je suis avec vous, et tu ne me connais pas ! Qui m’a vu a vu le Père ». Ici voir, c’est connaître, et connaître c’est connaître que le Père est en moi. Ce connaître-là s’appelle « croire » – pas seulement croire en Dieu, mais croire que, c’est-à-dire « que je suis dans le Père et le Père en moi ». Dans cet être-dans réciproque, il n’y a plus de distance ni même d’espace. L’un dans l’autre, et l’autre dans l’un, tout conception d’ordre spatiale serait absurde. Pour viser le réel de cette intimité spirituelle, on est obligé d’employer deux images qui se contredisent…

Les paroles et les oeuvres. Est-on dépassée par l’emploi de ces images, on peut se rattraper par ce qui suit : « les paroles que je vous dis, je ne les dis pas de mi-même, c’est le Père qui parle les paroles que je vous dis » (14,10). Ce qui veut dire : si vous écoutez mes paroles, essayez de reconnaître la voix du Père, c’est-à-dire la source de vie qui parle à travers mes paroles. Il en va de même des œuvres : « ce n’est pas moi qui les fait, c’est le Père « . A travers ces œuvres qui stupéfient, reconnaissez donc la puissance du Père qui fait vivre, même quand je ne serai plus là. Donc je peux partir : mes paroles vous les avez ; mes œuvres, elles, demeurent.

2.4. Dernières promesses (14, 12-14)

« Celui qui croit en moi fera les œuvres que je fais, et il en fera de plus grandes que moi, parce ce que je vais vers le Père, et tout ce que vous demanderez en mon nom, je le ferai pour que le Père soit glorifié dans le Fils ». A la promesse première d’une « venue nouvelle » s’ajoute la promesse d’une assistance aux « œuvres plus grandes » que feront les disciples. Pourquoi plus grandes ? Parce que les œuvres de Jésus étaient limitées à l’espace de la Palestine. Maintenant les disciples pourront étendre les œuvres du Père aux dimensions du monde. Comment la liaison va-t-elle s’établir entre celui qui s’en va et ceux qui restent dans le monde ? Par la mise à leur disposition de la capacité de demande, et par l’invitation à prier. Mais l’exaucement de la demande est encadrée par deux motifs : au départ demander « en mon Nom », au terme viser « la gloire du Père ».

La finalité de la prière l’oriente sur le Père, c’est-à-dire sur l’origine de la vie. Elle exclut toute demande qui porterait atteinte à cette origine. Jamais le Père ne réalisera une œuvre qui fait mourir. Une telle œuvre ne glorifierait pas le Père.

D’autre part, le Nom qui doit personnifier la demande la dynamise sur le chemin balisé par le Christ. Le Nom n’est pas la personne, comme on le dit souvent, mais ce qui de la personne entre dans le langage. C’est pourquoi le Nom sert à deux choses : – à appeler la personne – à parler de la personne absente.

Allons plus loin. Le nom résume l’histoire de la personne. Si vous priez au nom de Jésus, elle rappelle ce que Jésus a dit et ce qu’il a fait. Par conséquent, on ne peut pas demander n’importe quoi au nom de Jésus. La prière au nom de Jésus, pour être exaucée, doit être en phase avec l’histoire de la personne disparue. A cette condition, je peux parler au Père au nom de Jésus avec l’espoir d’être exaucé.

III. Recommandations et promesses (14, 15-26)

Trois parties : la première et la troisième sont faciles à mettre en corrélation : ce sont les promesses de l’Esprit-Saint. Au centre : l’annonce d’une nouvelle venue de Jésus.

3.1. Jésus promet de prier pour que l’Esprit-Saint soit donné (14, 15-17)

« Si vous m’aimez, vous garderez mes commandements, les miens, et moi je prierai le Père et il vous donnera un autre paraclet pour être avec vous et près de vous » (14,15-16). Notons que les deux prières se recoupent : – prier dans le sens de vous au Père, et moi je le ferai – prier dans le sens de Jésus au Père, et il vous donnera l’Esprit-Saint.

L’amour : Jésus pose une équivalence entre « aimer » et « garder les commandements ». Garder, ce n’est pas mettre les commandements en conserve ou en mémoire. Garder, c’est faire. C’est donc une action débouchant sur un agir. L’action suit le commandement. Ce dernier terme demande à être purifié : plus qu’un ordre de type militaire, le commandement est une parole qui exprime le désir de son auteur sur l’autre et qui, d’autre part, ouvre un chemin. Deux caractéristiques : – désir de Dieu sur l’homme ou de Jésus sur ses disciple – ouverture d’un chemin : c’est pour cela que le commandement se dit au futur et non à l’impératif (comme dans le décalogue : « tu ne tueras pas »…)Ainsi le commandement nous invite à cheminer selon le désir de celui qui ouvre lui-même le chemin. Prendre ce chemin, c’est aimer. L’amour ne se définit pas par des déclarations ou des épanchements sentimentaux, mais par un agir, un vivre selon le désir de l’autre.

Le Paraclet : c’est un mot grec qui désigne ce qu’en français on appelle un avocat. Paraclet, c’est quelqu’un appelé auprès de vous (ad-vocatus) pour vous secourir, vous défendre, intercéder en votre faveur, etc. Il intervient dans une situation où vous êtes menacé par un monde hostile. Au temps de sa présence, Jésus lui-même tenait le rôle du Paraclet, mais c’est d’une autre manière que l’Esprit remplira ce rôle. Il sera auprès de vous pour toujours.

Que fera-t-il ? Comme sa fonction le précise, le Paraclet est appelé Esprit de vérité. Voici les traits qui le caractérisent : « l’Esprit de vérité, le monde ne peut le recevoir parce qu’il ne le voit pas ni ne le connaît. Vous, vous les connaissez, parce qu’il demeure auprès de vous et qu’il sera en vous » (14,17). Deux sortes de relations sont envisagées selon qu’il s’agisse de « vous » ou du « monde ».

1) Pour « vous », deux étapes sont à considérer : a) l’une concerne la « connaissance », parce qu’il demeure auprès de vous ; b) l’autre « l’expérience intime », parce qu’il sera en vous.

a) Connaître l’Esprit parce qu’il demeure auprès de vous ne veut pas dire que vous en aurez une vue très claire. Il y a aura une présence à identifier : Jésus vous dit que c’est l’Esprit de vérité, et puisqu’il était déjà auprès de vous, vous le connaissez, mais d’une connaissance qui est autre chose qu’un savoir. C’est une connaissance qui fait vivre, mais on est tout seul à l’apprendre. Plus précisément : ce qui est à connaître sans le savoir, c’est une présence à re-connaître. La fonction de l’Esprit est d’amener à re-connaissance ce que je connaissais sans le savoir.

b) autre avancée : l’Esprit sera en vous après avoir été dans un premier temps auprès de vous. Il y aura donc une intériorisation de la présence de l’Esprit. C’est de l’intérieur qu’il agira en vous et par vous.

2) Quant au « monde », il ne voit pas l’Esprit et ne peut le recevoir. En effet, le monde et l’Esprit sont étrangers l’un à l’autre. L’état d’exclusion est propre au monde et ne s’applique qu’à lui. Mais dans la mesure où nous restons nous-mêmes imperméables à l’Esprit, il y a en nous des zones qui relèvent du monde. Donc, à cause du monde, nous avons besoin de l’Esprit de vérité. Notre condition dans le monde est une conditions menacée, dangereuse , où nous sommes inclinés à penser et à croire comme le monde. Par contre l’Esprit de vérité donne le goût de la vérité : il permet de discerner ce qui en nous et du monde et ce qui est de la vérité

3.2. Deuxième promesse : la venue de Jésus (14, 18-21)

« Je ne vous laisserai pas orphelins. Je viens vers vous. Encore un peu et le monde ne me verra plus, mais vous, vous me verrez parce que moi je vis et que vous aussi vous vivrez » (14, 18-19)

« Je viens vers vous » (au présent, pas au futur). Qu’est-ce cette venue de lui vers « vous » ? Il n’est pas dit qu’il vient sous l’apparence du ressuscité. Ce que les disciples auront à voir, c’est que je vis et que vous vivez vous aussi. Cette venue n’est donc pas autre chose qu’une communication de vie : vous vivrez de ma vie au-delà de la mort. Cette communion de vie est une naissance, laquelle échappe au monde. (Qui fait partie du monde ? – on ne le sait pas…)

« Ce jour-là, vous me connaîtrez ». L’annonce se déploie en ceci : « vous connaîtrez que moi je suis en mon Père, et vous en moi et moi en vous« . La présence mutuelle de l’un dans l’autre engendre une connaissance réciproque, intuitive, sans raisonnement, car il n’y aura plus d’espace entre vous et moi.

« Celui qui m’aime sera aimé de mon Père et moi aussi je l’aimerai et je me manifesterai à lui ». Cette manifestation ne se donne pas à voir avec les yeux (le monde ne la verra pas). C’est une connaissance intime dans l’invisible.

« Pourquoi manifestation à nous et pas au monde ? » La question est de Jude. La révélation du Christ serait-elle réservée à quelques privilégiés ? A ce point guette une tentation sectaire. Jésus ne répondra pas à la question dans les termes où elle est posée. Le point de partage, entre nous et le monde, réside non dans le fait d’être un petit groupe, mais dans le fait d’être reconnu comme « celui qui m’aime » ; en d’autres termes, reconnu par une parole qui n’est pas la propriété d’un groupe, mais réside dans le désir du Christ.

La manifestation en cause est celle qui s’adresse à celui qui m’aime en gardant ma parole. Mais ce n’est pas une parole d’exclusion. Jésus n’est pas venu fonder une secte. Les disciples n’ont pas d’autre ancrage que la Parole qui vient du Père et qui devrait résonner dans le cœur de tout enfant du Père.

3.3. Dernière promesse : de nouveau l’Esprit (25-26)

« Je vous ai dit cela quand je demeurais auprès de vous ». Remarquons comment Jésus dans ce discours parle comme s’il était déjà parti. Ce qu’il dit, il le délègue sous forme de « paroles ». Or ces paroles l’Esprit aura pour tâche de les rappeler et d’enseigner toute chose. On suppose que Jésus n’a pas tout dit, il ne pouvait pas tout dire. Alors il confie le travail à l’Esprit. Ce travail de complément ne suffira pas. Car ce que Jésus a dit, les disciples vont l’oublier. L’Esprit aura

alors pour rôle de le rappeler. Ce rappel ne consiste pas en une simple remémoration, fût-elle exacte. En rappelant les paroles de Jésus, l’Esprit renouvellera la compréhension de ce qui fut dit. Les disciples seront donc appelés à les dire autrement. Dès lors, l’annonce de l’Evangile ne craindra pas de retraduire l’enseignement de Jésus à partir de l’expérience de l’Esprit –Saint, de le déployer, de l’amplifier s’il le faut. Dans ce rôle, l’Esprit s’appelle l’Esprit-Saint et non l’Esprit de vérité comme on aurait pu s’y attendre. Il est Saint parce que c’est l’Esprit du Père qui est saint. Au chap. 17, quand Jésus prie son Père, il l’appelle Père Saint, à qui il demande « sanctifie les dans la vérité ». Pour la raison que la vérité est aussi sainteté et pas seulement doctrine. Le Père qui est saint, transmet la sainteté en transmettant la vie.

IV. Conclusion

Jésus fait le résumé de ce qu’il vient de dire. Ce résumé tient en deux mots : Je m’en vais et je viens à vous ». Je m’en vais, donc ne cherchez pas à me revoir, ni à me toucher, ou m’imaginer comme si j’étais à vos côtés. « Je viens à vous », c’est une présence que vous allez expérimenter, présence dont l’absence fait partie. Présence/absence difficile à conjuguer : il faut mourir à tout besoin de contact pour découvrir la foi en sa présence spirituelle. Mieux encore : il faut être content de son départ, « parce que je vais vers mon Père et que le Père est pus grand que moi ». Près de lui je pourrais davantage faire lien entre le Père et vous. Tout cela ne sera compris que lorsque cela arrivera. « Croire » dans le cas n’a plus de complément : c’est l’acte de prendre appui hors de soi. Le discours de Jésus se termine par une déclaration d’amour et de fidélité à son Père : « il faut que le monde sache que j’aime le Père, et que je fais ce que le Père m’a prescrit ».