4.3. La mise en œuvre de la lecture
4.3.1 Le cadre de la lecture
Dans une salle sobre et claire des chaises sont disposées en arc de cercle face à un mur, sur lequel sont tendues des feuilles de papier blanc, en attente. Les enfants sont accueillis, appelés par leurs noms, invités à s’asseoir et à se libérer de ce qui peut les encombrer. Le lectionnaire de l’assemblée dominicale est posé sur un pupitre, face aux enfants. Après présentation des personnes et de la journée, on montre le lectionnaire aux enfants, qui sont invités à l’identifier.
On leur dit qu’une personne va se lever, lire le passage d’Evangile, puis poser le livre sur le pupitre, et qu’ensuite il leur sera demandé de restituer le texte de mémoire, mot pour mot autant que possible, et dans l’ordre. Après, poursuit-on nous lirons ensemble le texte que chacun aura en main sur une feuille imprimée, nous l’observerons, nous réagirons, nous suivrons son cours.
Le texte est donc lu, puis quelqu’un les aide à restituer de mémoire, distribuant la parole, rappelant les oublis, précisant ce qui est déformé ou incomplet. Une fois le texte entier restitué, on distribue la feuille contenant le texte, puis on repère avec eux les parties oubliées, les mots déformés…
Puis on accorde un peu de temps à quelques réactions libres sur des termes qu’ils ne comprennent pas. Cependant on fait très attention à ce que ce temps-là ne nuise pas au débrayage constitutif de la lecture. Si l’on se laisse embarquer dans les questions des enfants à propos de tel ou tel aspect du texte sans y revenir aussitôt, il sert de prétexte à discussion, et l’on quitte la lecture. Pour ce texte les risquent seraient de se noyer dans des explications sur la synagogue et sa liturgie, les prophètes, Elie et Elisée, les épisodes de la veuve de Sarepta et de Naaman le syrien, … et nous voilà de nouveau partis du côté de l’érudition biblique, au détriment du projet de lire le texte.
On procède à la lecture en reprenant l’observation séquence par séquence.
Une visualisation sera proposée au fur et à mesure de la lecture, sur les feuilles. Puis elle sera reprise en fin de parcours, et chacun sera invité à l’interpréter voire la compléter.
4.3.2 La visualisation
4.3.2.1. Le propos de la visualisation
Le dessin était un élément constitutif du parcours catéchétique analysé. Nous gardons cet élément, mais, dès lors que nous avons remarqué comment il pouvait nuire à la lecture du texte, nous tentons de le remettre à son service. Nous évitons d’en faire un artifice pédagogique destiné à captiver des enfants, ou bien l’illustration d’une idée, ou encore une représentation de la scène flattant l’imaginaire au risque d’écarter du texte. Nous cherchons à en faire plutôt une expression originale de lecture qui ouvre sur un acte d’interprétation. Il s’agit, avec les ressources propres du graphisme, de la couleur, des formes, de rendre compte des anomalies du texte, de ce qu’il cherche à faire entendre que nos oreilles n’entendent pas, à faire voir que nos yeux ne voient pas. La visualisation gagnera à être sobre.
4.3.2.2. Les éléments retenus pour la visualisation
Nous retenons le rapport de Jésus à l’organisation de l’espace de la synagogue, de la ville, et aussi à l’espace des relations avec ses compatriotes. Et nous retenons la liberté dont Jésus fait preuve à cet égard, en contrepoint de l’enfermement de ses compatriotes, son entrée et sa sortie. Mais le rapport de Jésus à l’espace se signale aussi autrement, par l’intermédiaire des prophètes, de leur propre relation à l’espace et aux acteurs, et de ce qu’ils laissent espérer de l’ouverture des cieux.
4.3.2.3. Jeux graphiques en relation avec le texte et leur application
- a. L’encadrement de l’image. Pour chaque image nous jouerons sur son encadrement, ordinairement formé d’un trait continu formant un rectangle. Nous considérerons que ce trait peut signifier quelque chose des limites de l’espace des relations considérées. Ainsi, selon les images et les séquences auxquelles elles se rapportent, nous pratiquerons des interruptions ou renforcements du trait, laissant chaque fois penser que l’espace dont il est question est susceptible d’ouverture ou au contraire de fermeture.
- b. Le chemin de Jésus. Jésus s’introduisant dans l’espace de la synagogue y fait brèche, ce qui sera figuré par le vide du trait gauche du rectangle par lequel une silhouette représentant Jésus pénètre dans l’espace de la synagogue. A la dernière image, Jésus, sort, librement, de l’espace de la ville. Là où l’on pouvait craindre que s’arrête le parcours de Jésus, le trait est interrompu à droite, ouverture qui a quelque chose à voir avec la liberté de Jésus d’aller. Cette représentation très sobre et succincte de l’espace permet de laisser voir quelque chose de la trace de Jésus, gardant l’initiative des ses déplacements sans se laisser arrêter.
- c. La fermeture et l’ouverture des cieux Il est un autre rapport à l’espace que suggère le texte. Ce n’est plus seulement l’horizontalité de ses déplacements (venue en Galilée, à Nazareth, entrée dans la synagogue, sortie de la ville, passage de Jésus qui va son chemin, au milieu de tous). Cet autre rapport est vertical. Il signifie ce qui vient d’en haut quand les cieux s’ouvrent et qui procède de l’envoi du Père : le don de l’Esprit ; et aussi ce qui s’y oppose : précipiter Jésus du haut de l’escarpement. Dans ce cas les brèches dans le rectangle limitant le dessin viendront en haut et en bas. Pour l’envoi de l’Esprit, on le figurera par une interruption du trait supérieur horizontal. Mais pour l’intention de précipiter Jésus du haut de l’escarpement, qui n’aboutira pas, le trait reste sinon de même épaisseur que le reste, du moins en continu. L’ouverture entraînant Jésus dans la chute ne se réalise pas.
- d. L’envoyé et les destinataires. Pour visualiser le rapport des acteurs entre eux, nous partirons de l’observation du rapport entre un et tous ; entre l’acteur envoyé, et tous (ou parfois un(e) en relation avec beaucoup). On peut considérer de ce point de vue qu’il y a homologie tout au long du texte entre :
- – l’acteur envoyé (Jésus – le moi dont parle le texte d’Isaïe – Elie – Elisée)
- – le(s) destinataire(s), au premier degré et plus largement (les gens de la synagogue et au-delà, jusqu’au(x) lecteur(s) – les pauvres, captifs, aveugles, opprimés – la veuve de Sarepta, mais aussi les nombreuses veuves en Israël – Naaman le lépreux syrien, mais aussi les nombreux lépreux en Israël)
Cette homologie, nous la transcrivons dans la visualisation en gardant la même disposition de base pour toute la série des images, exceptées la première et la dernière. Elle met en scène les envoyés en rapport avec leurs destinataires. L’envoyé est de face au centre de l’image. Les destinataires (réels ou virtuels) apparaissent de dos ou de profil, en arc de cercle, en bas et sur les côtés de chaque image.
- e. La superposition d’images. Entre Jésus face à son auditoire et le moi du livre d’Isaïe la coïncidence peut être (ou non) reconnue par l’auditeur de Jésus et par le lecteur. On peut visualiser cette reconnaissance par superposition des images correspondantes. On peut le faire en fin de première séquence de lecture avec les enfants. Cela suppose que l’image superposée soit dessinée sur papier transparent.
Rien n’empêche de prolonger la superposition du côté des destinataires : les destinataires de l’envoyé du livre d’Isaïe, et à travers lui de Jésus, peuvent être reconnus dans la veuve de Sarepta et le lépreux Naaman, mais aussi dans les gens de la synagogue, captifs, aveugles, opprimés du fait de leur conception fermée d’Israël, et pourquoi pas encore dans le lecteur d’aujourd’hui en sa pauvreté spécifique reconnue. La succession des images.
Comme possibilité de visualisation accompagnant la lecture de ce texte, nous retenons la série suivante :
Image |
Espace |
Scène |
1 |
Entrée à la synagogue |
Entrée de Jésus à la synagogue |
2 |
Synagogue |
Jésus face à l’auditoire |
3 |
Non délimité (livre) |
L’annonce au livre d’Isaïe |
4 |
Synagogue |
Superposition de 2 et 3 |
5 |
Synagogue |
Questionnement dans l’auditoire |
6 |
Ouvert côté veuve |
Elie et la veuve |
7 |
Ouvert côté lépreux |
Elisée et le lépreux Naaman |
8 |
Sortie de la ville |
Sortie de Jésus qui ouvre le chemin pour tout captif |
4.3.3. Mise en œuvre de la visualisation avec les enfants
En cours de lecture on mettra en place les personnages, en gardant un trait fin continu pour l’encadrement de chaque image. En fin de parcours de la lecture on demandera aux enfants leur attention, le silence le temps de la reprise du dessin, en leur signalant qu’ils pourront ensuite dire ce qu’ils ont perçu et lisent. Alors on procède successivement aux renforcements et ouvertures des traits, sous leurs yeux, ainsi qu’aux superpositions retenues. Puis on leur demande d’interpréter ce que l’on vient de faire.
Ce travail peut être réalisé sur feuilles de papier, comme indiqué en début de parcours. L’avantage est alors qu’il se déroule « en direct ». Cela suppose un minimum de savoir dessiner. Il peut aussi se réaliser à l’aide d’un montage informatique de type ‘power-point’. Cela permet en passant d’une image à l’autre de faire apparaître manifes-tement les effets de superposition, d’ouverture, de fermeture, de passage de l’ombre à la lumière, que l’on donnera à interpréter aux enfants en relation avec le texte lu.