Animation biblique de toute la pastorale,
J.-L. Ducasse

Sémiotique et Bible N° 147, Septembre 2012

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‘Animation biblique de toute la pastorale’ et avènement du corps promis

La rédaction de Sémiotique et Bible invite le prêtre en paroisse [1] que je suis à réagir sur un article d’Anne Fortin intitulé «De l’animation biblique de toute la pastorale » [2]. Ce titre reprend à l’identique une expression des pères synodaux – d’ailleurs devenue sous-titre du n° 73 – dans l’exhortation apostolique Verbum Domini [3]. Après s’être réjouie de l’ouverture qu’apporte l’exhortation qui « nous fait rêver d’une pastorale renouvelée à partir du souffle de la Parole de Dieu », l’article va explorer de façon critique l’acte de lecture tel qu’il est pratiqué dans la pastorale, pour proposer une alternative, sémiotique, et en justifier les fondements théologiques et scripturaires. Dans une première partie, je résume quelques aspects de l’article avant de poursuivre la réflexion, en seconde partie, en rapport avec ma propre pratique pastorale.

Quelques aspects de l’article [4]

Ma lecture de cet article retient comme ses articulations décisives les propositions suivantes. Au fondement de l’animation biblique de la pastorale se trouve une pratique de lecture du texte biblique, avertie du statut du langage, et visant à mettre le lecteur à l’écoute de la voix qui sous-tend le texte. Au cœur de la pastorale et grâce à la lecture qui amène le lecteur à interpréter sa propre vie, vient l’émergence de sujets de la parole. A l’horizon de ce parcours les sujets de la parole peuvent faire l’expérience d’un corps, celui du verbe fait chair, l’Eglise. Je restitue ici à ma manière quelques étapes du propos, qui trace son chemin en se différenciant d’autres approches bibliques, théologiques et pastorales, et en se fondant sur la lecture de l’Evangile.

Entre lecture scientifique et lecture du cœur, une oscillation qui ignore le sujet. Deux approches de lecture, considérées comme dominant la pratique pastorale, sont présentées dans l’article et renvoyées dos à dos. L’une se veut scientifique, l’autre spirituelle.

La limite de l’approche scientifique tient à ce que l’histoire devienne le critère de validation des textes, avec pour conséquence de rejeter hors du véridique tout ce qui excède le vraisemblable. Il en résulte que la lecture dégage le message du texte à appliquer au sujet historique, psychologique ou moral. Que deviennent alors les figures du texte ? Elles sont réduites à des représentations des éléments du monde naturel et elles fournissent au lecteur un savoir sur le monde. La carence de la « lecture du cœur [5] », découle de son fonctionnement purement affectif. Le texte y disparaît, noyé dans les émotions du lecteur, en quoi il imagine entendre la Parole de Dieu. Il convient de sortir de l’oscillation entre ces deux pratiques, où le sujet croyant – question pastorale s’il en est – n’a pas sa place.

La position du sujet dans la parole

L’accès à la foi suppose que chaque sujet lecteur entretienne une relation propre au texte biblique. Il ne saurait être simple réceptacle de sens ou objet d’injonctions. Dès lors se pose la question du statut langage pour que le rapport au même texte puisse susciter des sujets croyants. L’article va en appeler aux théologiens, à la tradition, puis à l’Ecriture pour poser les bases d’une théologie de la Parole de Dieu, dont je retiens quelques traits majeurs.

  • Le langage ne se réduit pas à un instrument technique pour livrer des idées ni à un reflet d’évènements à faire connaître.
  • Le lecteur est devant une Parole qui (…) lui révèle sa position dans la parole, à l’écoute du Verbe.
  • Dès la Genèse, la parole créatrice donne vie et sépare en nommant, ouvrant la voie à la parole humaine. L’humain, pas plus que Dieu, ne donne des informations sur le monde en le nommant ; à l’image et à la ressemblance de Dieu, l’humain se définit dans son rapport décalé et créatif à l’autre et au monde par la nomination.
  • Ensuite le Nouveau Testament reprend cette position dans la parole, tant de Dieu que de l’humain, en définissant le Verbe fait chair, vrai Dieu et vrai homme, à la jonction d’une parole et d’une écoute. Avant de parler « de religion », les textes bibliques parlent de la position du sujet dans la parole, position concomitante à la relation au prochain et à Dieu.
  • D’où l’hypothèse: Et si les Ecritures parlaient de comment vivre comme sujet de la parole, à l’image et à la ressemblance de Dieu, avant de donner le sens religieux de la vie ? Et si le sens [6] religieux de la vie consistait précisément à être « relié » à l’autre au sein de l’acte de parole lui-même antérieurement à ce qui est dit ? Si l’enjeu de l’autocommunication de Dieu dans son Verbe était d’être entendu en tant que don, dans l’écho d’une parole donnée, plutôt que de comprendre seulement ce qui est dit ?

Une lecture réglée compatible avec le souci pastoral du sujet croyant

L’article préconise alors la mise en œuvre d’une pratique de lecture alliant rigueur et foi. Il n’en précise pas ici les modalités pratiques mais en souligne ici quelques enjeux [7].

L’écoute de la parole, grâce au déplacement dont le texte porte les conditions.

L’écoute, position préalable de toute lecture, suppose un déplacement dont le texte porte les conditions. En deçà des messages du texte, en deçà des savoirs sur le texte, le texte est tenu par une voix : une instance y tient les choses ensemble sans pour autant y être elle-même représentée. Lire engage alors à entendre comment le texte dit ce qu’il dit pour arriver à déranger le lecteur jusqu’à le faire se « retourner » (…) pour entendre cette instance il est nécessaire de passer par l’organisation du texte.

La vie à l’épreuve du texte. Les vies des lecteurs sont mises à l’épreuve de leur propre interprétation du monde, d’autrui et de soi par le texte. L’activité pastorale fait (…) entrer dans un exercice de la foi transformant les sujets grâce au déploiement du sens des Ecritures dans leur vie.

L’acte de nomination. Il apparaît alors comme privilégié dans ce parcours et donne lieu à une énonciation particulière (passage au « je ») qui souligne l’importance du sujet dans la lecture :   Avant que je n’aie nommé quelque chose, cette chose n’existe pas encore pour moi. En nommant, je me pose chaque fois dans une origine, dans un geste inaugural. L’acte de nomination me convoque à un retour sur moi-même dans une éthique de la parole. Mon acte de lecture expose et assume alors les conditions de ma prise de parole ; un retour réflexif s’exerce sur ma parole en tant que lieu de création de ma relation à l’autre et à l’Autre. Toutefois le texte ajoute : Le lecteur devient sensible au mouvement même du texte, dans ce qui tient à la vie sans jamais être représenté. L’épreuve de la parole consiste à vivre dans cet interstice, en dehors du contrôle, dans l’écoute de ce qui vient d’ailleurs. Et l’article de conclure : si tel était l’enjeu de la lecture, se situer comme sujet de parole et non sujet de savoir.

Marie et Elisabeth parlent sous l’effet en leur chair d’une parole venue d’ailleurs.

L’article se poursuit par une lecture du texte de la visitation dans St Luc. L’auteure y retient particulièrement la transformation qui s’accomplit en Elisabeth du fait de la salutation de Marie. La salutation non seulement bouleverse la chair mais elle permet l’articulation de la parole là où il n’y avait que silence. L’insistance porte sur la transformation présente des femmes, leur capacité à sortir du silence, et de la honte pour Elisabeth. La parole qui donne sens à leur chair et les construit en Eglise nouvelle. Les femmes interprètent ce qui leur arrive et parlent ou prennent la parole. La lecture de cet épisode de la visitation s’arrête sur les prises de parole des deux femmes, et en définitive sur la transformation d’Elisabeth, qui prend la parole du lieu de la transformation de sa chair silencieuse en une chair traversée par une parole venue d’ailleurs. Dans la chair, la parole sème une unité de sens, là où il n’y avait que questionnement. Prendre la parole en référence à une parole qui nous précède, accueillir ainsi un lien nouveau qui nous fait faire l’expérience d’un corps nouveau que le texte qualifie de corps social, corps du Christ, corps ecclésial.

L’avènement du lecteur en sujet de la parole dans un corps promis au salut.

De la conclusion de l’article, retenons les deux propositions suivantes, qui articulent le sujet et le corps social. Une animation biblique de toute la pastorale poussera le lecteur à devenir signe, à trouver dans un discours le moyen d’advenir en une unité de sens, en sujet. Chacun, à titre de lecteur, peut faire le passage de la chair incertaine et divisée, de la vie désorganisée, enchevêtrée et troublée à la clarté d’un nom unique qui le situe dans un corps – social [8] – promis au salut.

II. Poursuite de la réflexion

Stimulé par l’article d’Anne Fortin, je poursuis d’abord la lecture du texte de la visitation avant de m’interroger en particulier à propos du sujet et du corps, en essayant – puisqu’il est question de Bible et de pastorale – d’écouter la voix du Bon Pasteur.

Réalisation de la parole et mystère du corps.    

La lecture du texte de la ‘visitation’ de Marie à Elisabeth nous place au point de départ de la pastorale chrétienne puisqu’il s’agit du premier effet dans des corps de la réception par la foi du verbe fait chair. Heureuse celle qui a cru à la réalisation des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur. La rencontre entre ces deux femmes enceintes de la parole s’accompagne d’effets décisifs. Elle va permettre à l’une comme à l’autre de parler de façon inédite. Elisabeth sort du brouillard de l’incompréhension ainsi que de toute inhibition. Et il convient de poursuivre la lecture, puisque, aussitôt après l’intervention d’Elisabeth, Marie laisse éclater sa jubilation, son action de grâce, reconnaissant l’originalité et la portée à long terme de ce qui se passe en elle, prenant à son compte les annonces du premier testament dont son cantique est visiblement inspiré et se projetant dans l’avenir : Le puissant a fait pour moi des merveilles … toutes les générations me diront bienheureuse [9]. Ainsi les deux mères en puissance ne sont pas seulement, chacune à leur manière, sujets de la parole. Un lien absolument nouveau se tisse entre elles, de par les enfants qu’elles portent et la parole qui les traverse. Ce qu’elles vivent peut être interprété comme une première expérience du lien qui articulera les membres du corps du Christ. Oui, elles sont une préfiguration de l’Eglise.

Certes l’expérience est très largement partagée, aujourd’hui comme hier, du sentiment que les êtres n’attendent pas d’être nés pour réagir à la parole et donner une joie immense à leur mère en leur grossesse. Joie qui se communique autour d’elles à ceux à qui elles expriment ce qu’elles perçoivent de la vie en joyeuse gestation. Mais dans notre texte il ne s’agit pas seulement de cela. D’ailleurs Elisabeth reconnaît la radicale différence entre ce qui se passe en Marie et en elle, la singularité de l’enfant qui naît en Marie : « comment se fait-il que la mère de mon Seigneur vienne à moi [10] ».   C’est une affaire de naissance, et pas seulement de naissance ordinaire, mais cela va pouvoir s’entendre à partir de toute naissance « ordinaire ». Il y est question de l’avènement d’un corps celui du Verbe qui se fait chair, qui porte dès sa conception un pouvoir d’éveiller dans les corps la chair endormie en attente de son Seigneur [11].

L’effet de parole en cause est moins effet de sens que de naissance, et cela ne fait que commencer. Nous sommes en effet au début de l’Evangile. A la fin du même Evangile de Luc, après sa résurrection d’entre les morts, Jésus reviendra sur sa propre parole et l’accomplissement des Ecritures. Voici les paroles que je vous ai adressées quand j’étais avec vous : il faut que s’accomplisse (plérôme) tout ce qui a été dit de moi dans la loi de Moïse, les Prophètes et les Psaumes. Alors il leur ouvrit l’intelligence pour comprendre les Ecritures et il leur dit : « c’est comme il a été écrit : le Christ souffrira et ressuscitera des morts le troisième jour. Et en son nom sera proclamée à toutes les nations la conversion pour la rémission des péchés, à commencer par Jérusalem. Vous en êtes les témoins. Le quatrième Evangile poursuivra. Quand j’aurai été élevé au ciel j’attirerai tout à moi. Quelle est cette attraction vers un corps … dont on ne sait rien sinon qu’il advient par la Pâque de Jésus, et avec elle par la chute de toutes nos représentations du monde et de la vie. En même temps les croyants expérimentent que l’annonce de l’avènement de ce corps peut éveiller en eux, non pas le sentiment orgueilleux d’estimer qu’ils en sont la manifestation dernière, mais un immense désir d’advenir comme membres de ce corps, désir que la prière de l’Eglise encourage : Humblement nous te demandons qu’en ayant part au corps et au sang du Christ nous soyons rassemblés par l’Esprit Saint en un seul corps [12].

Sujet à la parole en vue de quel corps ?

Ainsi il ne s’agit pas seulement de parler sous l’inspiration d’une parole qui nous précède et vient d’ailleurs, d’advenir ainsi comme sujet de la parole, et de faire l’expérience d’un lien nouveau. Encore convient-il d’entendre ce que cette parole continue d’annoncer en toute chair et dont la réalisation ne fait que commencer. On pourrait dire qu’il convient d’être sujet à la parole, assujetti à ce qu’elle ne cesse d’annoncer chaque jour : l’avènement du corps promis. Mais de quel corps s’agit-il ? Pour ma part j’évite désormais de parler ici de corps social. En effet cette expression renvoie à l’expérience de liens entre corps organiques vivant en un espace de relations limité et en un temps donné : par exemple à une nation et à ses institutions, à un peuple et à sa culture, à un clan et à ses coutumes, à une famille et à ses valeurs. Or le corps dont il est question avec le Christ – et qui va advenir par l’annonce de la mort et de la résurrection du Seigneur et sa réception dans la foi – est d’un autre ordre. Autant la génération du Christ est différente de notre génération selon la chair autant ce corps ne se confond pas avec le corps social, même profondément renouvelé. Le corps du Christ promis n’est ni une restauration ni même un profond renouvellement du corps social, comme le désiraient les disciples au lendemain de la résurrection [13]. Tissé de liens provisoires le corps social est voué à la mort comme nos corps organiques. Le corps promis est au-delà de tout savoir et de toute représentation. Certes l’Eglise prend à chaque époque et en chaque lieu forme d’un ensemble social comparable à d’autres. Mais quand il s’agit de l’Eglise corps du Christ, c’est de son mystère dont on parle, c’est de l’Eglise comme convocation répondant à l’attraction du Christ, et cela ne saurait être limité à son actualisation dans un espace et un temps donné. Il convient de maintenir la distance entre le mystère de l’Eglise et sa visibilité sociale en un lieu, non comme dichotomie entretenue, mais comme une division comparable à celle du sujet en psychanalyse : division entre l’imaginaire du ‘moi’ et l’impossible du ‘je’. Cette division n’est pas mensonge : ce qui serait mensonge consisterait à ne pas reconnaître la division : prétendre réaliser en soi même le mystère de l’Eglise et le donner à voir (position de type pharisien). La prétention à être signe ou unité de sens me semble du même ordre. Ainsi des chrétiens rassemblés dans une église pour rendre un culte à Dieu ne coïncident-ils pas avec le mystère de l’Eglise. Il convient de maintenir la distance entre ce qu’ils donnent à voir d’eux-mêmes en leurs corps périssables et ce qui doit se révéler en eux. Cette distance est bien le lieu où se poursuit le travail de création. A l’horizon de la lecture de la Bible il n’y a désormais d’autre corps que celui, véritable énigme, du Christ en train d’advenir [14]. Un autre texte biblique paraît incontournable pour aborder la ‘pastorale’, puisque ce terme en provient. C’est, dans l’Evangile de Jean, le chapitre 10, l’épisode du Bon Pasteur. Mais avant d’y venir, il est temps de nous demander de quoi nous parlons en usant de ce terme de pastorale.

Représentations de la pastorale

Les humains ne savent faire autrement que tenter d’organiser la vie sociale en général (et la vie de l’Eglise entre autres) en distinguant des champs propres en vue de tâches diversifiées, menées par des acteurs spécialisés, en direction de catégories de personnes déterminées, pour répondre à leurs besoins, parmi lesquels celui de vivre ensemble. Tout cela suppose une définition de besoins, des projets en conséquence, l’acquisition de compétences pour les mettre en œuvre, l’affrontement de divers obstacles, l’évaluation des résultats et la reprise de l’ensemble du parcours. On peut ainsi se demander quel est le champ propre de la pastorale, quels en sont les acteurs, les modes de fonctionnement. On pourra alors, au vu de besoins repérés, définir un projet pastoral assorti de divers objectifs adaptés à la variété des situations. Le langage courant en Eglise, les organigrammes des diocèses, paroisses, mouvements, communautés, en fournissent de nombreux exemples. La manière de classer les acteurs ainsi que les ‘sous-champs’ de la pastorale, donne à penser [15]. L’usage est de distinguer parmi les responsables d’Eglise les pasteurs des docteurs, parmi ses membres les pasteurs du troupeau ou des fidèles. On distingue également divers champs particuliers relevant de la pastorale en fonction de leur objet (pastorale catéchétique, sacramentelle, biblique…), de leur « clientèle » (pastorale des jeunes, des gens du voyage, de la santé, des personnes handicapées…). On considère généralement comme pastorale ordinaire l’ensemble des services et activités, célébrations assurés en un espace géographique limité, sous la responsabilité d’un curé, souvent accompagné d’un conseil pastoral, d’une équipe d’animation pastorale. Ces services et activités vont de l’accueil de toute personne pour des entretiens, la préparation et la célébration de baptêmes, mariages, obsèques, à la catéchèse des enfants, et les activités auprès des jeunes, en passant par les mouvements et les groupes de spiritualité, les organismes caritatifs, en accordant une place centrale à la célébration de l’eucharistie, et, parfois, à la lecture biblique. Elle se réalise en un lieu déterminé appelé paroisse (souvent maintenant secteur pastoral) et n’exclut aucune catégorie de personnes de son activité. On distingue de cette pastorale ordinaire, des pastorales spécialisées, en direction de communautés, de services, de mouvements particuliers. Par exemple les pastorales rurale, ouvrière, du monde indépendant (assurées en certains lieux par des mouvements d’action catholique), mais aussi celles de la santé, du tourisme… [16]. Généralement chaque pastorale particulière a un rapport à la Bible particulier [17].  La pastorale diocésaine coiffe l’ensemble dans cet espace qu’est le diocèse et en lequel l’Eglise est réputée se réaliser, sous l’impulsion de l’évêque assisté de ses conseils et collaborateurs.

Le sémioticien aura tôt fait de le subodorer : un tel classement, une telle organisation favorisent une représentation avant tout ‘narrative’ de la pastorale. La performance principale visée serait la propagation de la foi : son acquisition par le plus grand nombre et son augmentation en tous. La foi serait alors un objet valeur. Il s’agirait d’adhérer à un message. Un programme d’évangélisation serait mis en œuvre pour y parvenir, nécessitant le vouloir faire et le devoir faire de personnes appelées et répondant à l’appel : prêtres, laïcs, (manipulation). Leur formation théorique et pratique assurerait leur compétence. Le programme principal d’évangélisation serait assorti de programmes d’usage variés en direction de personnes, groupes, cultures, divers. Différents obstacles s’opposeraient à l’opération (contre programmes) et de leur affrontement dépendrait la réussite – ou non – du programme principal d’évangélisation. L’évaluation (sanction) du parcours permettrait de reconnaître les états transformés : la progression de l’évangile et aussi les pertes, échecs ou difficultés. Toutes choses dont on tiendrait compte pour une nouvelle évangélisation moyennant l’adoption de programmes d’usage renouvelés.

Or la Bible n’encourage pas à penser la pastorale en de tels termes. Pour peu qu’elle soit lue, elle ne manque pas une occasion de déconstruire les représentations des lecteurs. C’est probablement une de ses fonctions premières : faire chuter les représentations imaginaires qui n’ont d’autre perspective que le profit du corps organique, individuel ou social, pour ouvrir le champ à l’avènement du corps promis.