Repères pour la sémiotique énonciative,
A. Pénicaud

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Notes

[1] Les guillemets indiquent que ce terme est à manier avec précaution : il est utilisé faute de mieux, et sans prétendre en donner une définition. On entend ici par « réalité » ce dont on peut constater la présence sans pour autant « savoir ».

ce que c’est. Autrement dit ce qui peut être perçu : vu, entendu, touché, senti, goûté.

[2] Cette coupure, indiquée sur le schéma par la ligne en pointillés qui traverse le dire, est nommée par la sémiotique « schize », du verbe grec « schizein » qui signifie « couper ».

[3] C’est ce qu’on appelle en sémiotique « le principe d’immanence », qui suppose d’en rester au texte.

[4] Il y a là une seconde coupure (une seconde schize), indiquée sur le schéma par la ligne en pointillés qui traverse l’entendre : elle sépare l’énoncé verbal entendu et le sujet qui l’entend.

[5] On peut penser à l’ « épochè » des stoïciens.

[6] Cette déconfusion est aidée par le caractère collectif de la lecture sémiotique : en associant les observations de lecteurs pluriels, elle aide chacun d’eux à se déprendre de ses projections sur l’énoncé.

[7] Fr. Martin, Pour une théologie de la lettre, L’inspiration des Écritures, Cogitatio fidei n° 196, Cerf, Paris, 1996, p 157-159.

[8] L’exemple le plus célèbre d’anamorphose, un tableau de Holbein nommé « Les ambassadeurs », fait ainsi apparaître progressivement une tête de mort sur une table jonchée d’objets de plaisir (beaux fruits, précieux instruments de musique…) et placée à proximité de dignitaires somptueusement vêtus.

[9] Ce en raison d’une loi fondamentale du langage : parler revient à « mettre en discours » des acteurs, des espaces et des temps. Cette question sera reprise ultérieurement dans la présentation du « vitrail », second modèle proposé par la sémiotique énonciative.

[10] A-J Greimas, fondateur de la sémiotique, les nommait « scènes discursives ». La sémiotique énonciative parle plutôt de « scènes figuratives », ou plus simplement de « scènes » pour éviter un risque de confusion. En effet le mot « discursif » est ambivalent. En linguistique il désigne tout énoncé, en tant qu’il résulte d’une « énonciation » qui est une « mise en discours ». En littérature il désigne une catégorie de textes : des textes « discours », et désignés comme tels par différence avec d’autres textes (narratifs, descriptifs, poétiques, législatifs, etc…). Parler de « scènes figuratives » (ou de scènes) est en outre plus adapté à la perspective figurative développée par la sémiotique sur les textes.

[11] Un modèle simple de « mise en abîme » est constitué par les poupées russes, ou par les boîtes de Vache-qui-rit.

[12] Il a peu d’énoncés indiqués en bleu, car ceux-ci se redéploient immédiatement dans le niveau somatique. On en trouvera cependant quand un texte se contente d’esquisser une figure d’énoncé sans la développer (ex. « Il dit ceci »), ou quand il qualifie un dire indépendamment de son déploiement (« Il dit cette parabole ».

[13] Pour des experts en vitrail est également proposé un autre système de flèches, représentant cette fois le « montrer » et le « voir ». Ils constituent en effet un équivalent, dans le registre somatique, du dire et de l’entendre dans l’énonciation. Montrer consiste à adresser la proposition d’un voir, dans un mouvement semblable au débrayage du dire : on l’indiquera donc par une flèche violette (somatique) orientée dans le même sens que celle qui représente le dire. Voir consiste à accueillir ce qui est montré, dans un mouvement semblable à l’embrayage de l’entendre : on l’indiquera donc par une flèche également violette (somatique), mais orientée dans le même sens que celle qui représente l’entendre.

[14] J. DELORME, « Mondes figuratifs, parole et position du lecteur dans l’Apocalypse de Jean », in Christ est mort pour nous, Études sémiotiques, féministes et sotériologiques en l’honneur d’Olivette Genest, p. 133.

[15] Les textes en économisent souvent les figures. Cependant dès qu’un dire est mis en tension avec son effet somatique un entendre est présupposé, et doit être indiqué par une ligne pointillée.

[16] Les énoncés somatiques proviennent d’un débrayage énoncif qui correspond à cette « voix du texte ».

[17] Le terme vient de Greimas.

[18] La présence de cette référence indiscutable est une différence considérable entre les textes et la réalité vécue. Dans la réalité aucune « voix » n’est là pour dire « ce qui est », et cette absence pourrait être ce qui empêche de voir l’énonciation… La logique de véridiction inhérente aux textes leur permet en revanche de montrer ce qu’est la parole, et quels en sont les enjeux. C’est pourquoi ils peuvent servir de modèles pour relire des réalités vécues.

[19] Contrairement à l’énoncé somatique de base, le dire des acteurs provient d’un débrayage énonciatif qui est une délégation temporaire de la parole du texte.

[20] C’est le fameux « Vous m’avez mal compris(e) », requalifié dans l’expression, plus politiquement correcte, « Je me suis mal exprimé (e) »…

[21] Cette recherche s’est notamment appuyée sur les travaux du sémioticien Jacques Geninasca, du psychanalyste Jacques Lacan et du linguiste Emile Benveniste. Sans oublier, dans le champ biblique, l’influence de Michel de Certeau et de Paul Beauchamp.

[22] L’expression est de Jacques Geninasca, dont les travaux ont montré que cette intransitivité (mentionnée ici en rapport avec les textes bibliques) caractérisait aussi le discours poétique. Cf J. GENINASCA, « Le discours n’est pas toujours ce que l’on croit », p110. Il oppose cette intransitivité à la transitivité de discours dont la capacité de sens s’épuise dans leur objet : un mode d’emploi, une recette de cuisine, etc…

[23] Il y a, à cet égard, continuité et écart entre les deux Testaments. La continuité tient au modèle même de la parole, instauré dès la Genèse par le processus créateur de Dieu, qui crée par la parole et remet le destin signifiant de sa création à l’entendre et au dire humains. L’écart tient à la figure spécifique de Jésus, « Verbe fait chair », figure d’un entendre qui ne peut être confondu avec le modèle prophétique de l’Ancien Testament (les prophètes étant des figures de dire par délégation).