Lire et brûler, Anne Fortin

Anne FORTIN, Lire et brûler, 5 février 2004.

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Le travail de recherche avec Olivette Genest et Jean-Yves Thériault aura été une véritable école de théologie pour une théologienne formée à l’herméneutique telle que je le suis [1]. Le point de départ de mes collaborateurs exégètes n’était pas sans me poser question : « lorsque je lis, je fais théologie », disait Jean-Yves Thériault. Cet énoncé reprenait celui d’Augustin qui disait : « je lisais, je brûlais ». L’acte de lecture pouvait-il être à ce point important qu’il brûlait le cœur directement, sans passer par la médiation de l’interprétation théologique ? La conversion exigée était inquiétante et menaçante pour les cadres qui soutenaient mon acte théologique. Lire les textes bibliques pour construire l’acte théologique, certes, mais alors quelles étaient les conditions d’intégration de la dimension proprement textuelle de la Bible à l’intérieur de la théologie ?

Le travail interdisciplinaire entre deux exégètes sémioticiens et une théologienne non sémioticienne aura permis de mettre à plat nos présupposés respectifs et de constater qu’aucune évidence ne permettait de penser le rapport de la théologie à la lecture du texte biblique. Il aura fallu patiemment, tout au long du projet de recherche, déterminer les conditions concrètes de l’acte de lecture sémiotique vis-à-vis l’acte d’interprétation théologique. À partir de la position /je lisais, je brûlais/, il aura fallu déconstruire l’approche spontanée d’un rapport dualiste et chronologique, opposant une lecture du texte biblique préalable à une interprétation théologique postérieure. Si le schéma herméneutique de la philosophie de la conscience pose que la lecture est toujours-déjà précédée d’une pré-compréhension du texte, il aura fallu sortir de cette herméneutique du sujet de la conscience pour entrer à l’intérieur d’une théorie du texte et de l’énonciation afin de redéfinir les fondements mêmes de l’acte de lecture. De plus, il aura fallu abandonner la croyance inquestionnée de la division des champs disciplinaires ainsi que des attendus épistémiques des disciplines.

Ce défi ne concernait pas seulement les choix d’approches mais, bien davantage, il touchait au statut même du texte biblique. Paradoxalement, abandonnant la théorie de la conscience, et par le biais de la théorie du texte, le texte allait se révéler être bien autre chose que la traduction d’idées. Le texte biblique était déjà théologique : le texte n’était plus un matériau brut à lire puis à interpréter, il était déjà théologisé, ce qui impliquait une transformation du rapport au texte. Il ne s’agissait plus de lire puis d’interpréter les textes à partir de cadres théoriques préalables, imposant au texte de se soumettre aux déterminations théoriques venant de l’histoire de la théologie ou de la philosophie. C’était « aux illusions du lecteur de céder, non au texte de se plier à ce que l’on appelle parfois, improprement, une analyse [2] ». Le temps de la lecture, l’ascèse de la lecture devenait le travail théologique lui-même, car le texte était structuré, dans son immanence, comme figurativisation théologique :

On parle plus volontiers de figures abstraites à propos du discours scientifique, philosophique, théologique, exégétique critique. Bien des exégètes de la Bible ne consentiraient pas à concéder au langage direct des épistoliers un statut abstrait, sauf à des extraits dits dogmatiques ou à un mini-traité comme l’épître aux Romains. Pourtant, c’est l’ensemble des épîtres, malgré leur patron littéraire, qui impose salutations et remarques personnalisées, qui opèrent une « théologisation » et une « christologisation » de l’événement-Jésus. Des schèmes figuratifs aux schèmes conceptuels, il n’y a qu’un pas, souvent franchi à notre avis, d’où émergent des ébauches de concepts fondateurs en théologie et en christologie [3].

Les travaux d’Olivette Genest sur la figure de la mort de Jésus [4] ont opéré ce déplacement dans le regard sur les épîtres, et le défi que nous nous sommes posé comme équipe de recherche, dans la continuité de ces travaux, consistait à vérifier s’il en allait de même pour les Évangiles. Les récits évangéliques ne paraissent-ils pas à première vue à mille lieux d’une théologisation de la mort de Jésus, puisqu’ils semblent ne relater que des faits ?

La lecture du texte de la Passion dans l’Évangile selon Marc par notre équipe interdisciplinaire aura ainsi permis non seulement d’appréhender le texte de l’évangile selon Marc en tant que théologie de la mort de Jésus, mais aussi, de mon point de vue de spécialiste en herméneutique, d’entrer dans le texte considéré comme théorie de l’interprétation de la mort de Jésus. Plutôt que de projeter des théories interprétatives sur les textes bibliques, j’ai été amenée à me déplacer et à lire les textes comme théologisation interprétative de l’événement-Jésus. Le plus ardu fut sans doute de passer d’un réflexe interprétatif prenant chaque signe de façon isolée, donc d’une théologisation de chaque signe, à une lecture de la chaîne figurale qui cherche à comprendre le rapport des figures entre elles. Pour lire les signes, il fallait refaire le parcours interprétatif qui se déploie dans l’ensemble du texte.

Pour illustrer le parcours de l’interprétation dans le texte que la recherche aux côtés d’Olivette Genest et Jean-Yves Thériault m’aura permis d’entreprendre, je propose un parcours en trois étapes. Comme point de départ, la mise en relief de la position d’énonciation de Pilate permettra de délimiter l’espace propre à chacun des acteurs concernés par la mort de Jésus dans l’évangile de Marc. Cette première étape m’amènera ensuite à poser trois questions, qui n’ont rien à voir en apparence avec la science de l’interprétation, sur le texte de la Passion selon Marc. Le parcours de l’interprétation sera appréhendé par l’enchaînement d’une question à l’autre. Pour ces deux premières étapes, je propose une lecture inspirée par l’approche sémiotique, sans toutefois avoir la prétention de faire œuvre de sémiotique. Cette inspiration permet avant tout un déplacement du regard théologique qui déjà porte en lui-même une fécondité, sans autre ambition que cette fécondité elle-même. Enfin, dans un troisième temps, un développement sur les conditions de l’interprétation théologique à partir de la sémiotique suivra les trois questions.

Position d’énonciation de Pilate

Pilate occupe, dans le texte de la Passion de l’Évangile selon Marc, une position particulière. Le fait qu’il soit placé entre le groupe des grands prêtres et Jésus fait ressortir à la fois la position des uns et de l’autre tout en dégageant un espace auquel ni le groupe des prêtres ni Jésus ne paraissent avoir accès. Cet espace semble construit par l’écart qui apparaît entre les prêtres et Jésus. En effet, la position des uns étant relative au but qu’ils se sont fixés – éliminer Jésus ‑ et la position de l’autre étant imputable à son propre dédoublement – en acteur Jésus et en figure de Fils de l’homme ‑, nous pouvons voir apparaître l’espace dans lequel se trouve Pilate non comme un espace de moralisation ni comme un passage anecdotique, mais plutôt comme un poste de reconnaissance des positions antinomiques des prêtres et de Jésus : espace décroché du récit, en rupture avec celui-ci; espace de profondeur stoppant la linéarité du texte. Espace paradigmatique.

Le texte de l’Évangile selon Marc construit une crevasse entre le groupe des prêtres et Jésus. C’est dans cette crevasse que se situe Pilate; de manière plus précise, on peut même affirmer que son poste émerge de la crevasse. Sa position en est une de débrayage par rapport au récit, débrayage qui met en relief les positions de chacun, à commencer par la sienne. L’acteur Pilate ne peut ainsi être appréhendé par le biais d’une moralisation de sa position, non plus que par le biais d’une considération anecdotique de son rôle. Il rompt le fil du récit et casse le rythme de la séquence. Il crée ainsi une syncope. C’est cette syncope, temps « schizoïdal », qui suscite le questionnement dont nous ferons état à l’étape qui suit.

Trois questions

Notre lecture rejette l’aspect anecdotique de certains passages. Il nous faut aussi redire qu’elle n’est pas non plus linéaire. Les trois questions qui se posent à nous ne relèvent donc pas de l’ordre chronologique du récit, mais bien plutôt de détails incongrus dans le cours de celui-ci. Ces détails, on l’a déjà dit par rapport à la position de Pilate, cassent le rythme du texte, le syncopent.

Posons donc les trois questions que nous avons annoncées. La première est relative à l’attitude de Pilate : pourquoi Pilate s’étonne-t-il que Jésus soit déjà mort et pourquoi s’enquiert-il auprès du centurion s’il était mort depuis longtemps ? Cette première question nous permettra de dégager des indices qui feront émerger la deuxième question, que voici : comment s’établira, du point de vue de Jésus et à partir de la figure du Fils de l’homme qu’il fait intervenir, le sens de sa mort ? La réponse à cette deuxième question nous permettra de mettre en relief un autre détail du texte, lui-même porteur de la troisième question : pourquoi le texte introduit-il une parole en apparence prophétique de Jésus, à propos d’un détail à première vue insignifiant, c’est-à-dire la localisation de la salle du repas ?

Il s’agit maintenant de dérouler ces trois questions en gardant présent à l’esprit qu’un lien les unit et que la première question découle directement de la syncope provoquée par l’acteur Pilate. C’est donc à partir de sa position d’énonciation et du relief qui lui est donné que notre questionnement prend forme. Cette position, on l’a dit, met en évidence la position des grands prêtres et celle de Jésus.

Pour les grands prêtres, l’enjeu consiste à tuer Jésus pour l’éliminer de l’échiquier religieux et social. La mort a un sens de suppression et d’évacuation d’un problème et comme telle a une valeur positive en elle-même. Le programme narratif de cette mort est clair : il faut capturer et exécuter le corps de Jésus afin que la vie reprenne son cours normal. La mort n’est pas une finalité, elle serait comme un programme modal permettant la réalisation du programme principal ‑ que la vie revienne à sa logique propre, où nulle parole impertinente ne fait plus réfléchir sur le sens des choses. Que les choses redeviennent choses, que les mots cessent de construire un rapport interprétatif aux choses. Tuer ce corps pour faire taire cette parole venue d’ailleurs qui fait la vérité ‑ mais précisément, cette vérité dont on ne veut pas car elle décale le sens des gestes en fonction d’un autre sens que celui du pouvoir établi. L’interprétation des Écritures doit être contrôlée dans le sens de l’ordre social tel que le voient les grands prêtres, et non dans le sens d’une ouverture à un Autre menaçant cet ordre. Au sens-direction vers l’ouverture à l’Autre des Écritures proposé par Jésus s’oppose le sens établi de la vérité des grands prêtres.

Après la réalisation du programme narratif des grands prêtres, un détail, dans le texte, semble anodin. Une pierre d’achoppement, dirait Origène [5], qui permet le basculement d’un sens obvie à un autre sens : pourquoi Pilate s’étonne-t-il que Jésus soit déjà mort et s’enquiert-il auprès du centurion s’il était mort depuis longtemps (Mc 15, 44) ? Que vient faire cette interrogation de Pilate dans le programme de mort réalisé et réussi des grands prêtres ? Que vient faire dans ce texte cette mention du temps de la mort de Jésus, qu’est-ce que cela apporte au texte ? Que nous dit ce détail et comment le dit-il ?

Ce détail, en apparence sans grande portée, permettra d’abord de redéfinir le rapport à l’objet-valeur du programme de mort des grands prêtres. L’interrogation de Pilate causera un écart dans l’acte interprétatif-évaluatif de la mort de Jésus : plutôt que de se réjouir de la mort de Jésus, ce qui aurait été logique dans la trame du programme où les grands prêtres se réjouissent à la nouvelle de la livraison de Jésus par Judas [6], Pilate, qui constate la réalisation du programme de mort, ne lui donne pas de sanction euphorique. Il questionne le temps de cette mort, de la mort de celui qui avait suscité son étonnement (Mc 15, 5).

Nous voyons donc apparaître un programme narratif d’interrogation qui se faufile entre le programme de mort des grands prêtres, qui est un programme de captation du corps brut pour le tuer, et le programme narratif de Jésus, qui est un programme de don du corps désigné par la parole. Pilate ne parlant d’ailleurs jamais autrement qu’en posant des questions, il se situe ainsi entre les faits bruts tels qu’appréhendés par les grands prêtres et la distance interprétative opérée par Jésus devant les faits. La figure de l’interrogation de Pilate ne serait-elle pas celle de l’acte interprétatif qui consiste à décoller les faits de leur signification apparente ? Cependant, comment cette figure de l’interprétation est-elle encore en décalage par rapport à l’interprétation que Jésus fait de sa mort ? Que lui manque-t-il donc pour rejoindre l’interprétation proposée par Jésus dans le texte ?

Cette petite pierre d’achoppement oblige à reconsidérer l’acte d’interprétation que Jésus fait de sa mort à partir de ses annonces dites de la Passion, où il fait intervenir la figure du Fils de l’homme pour proposer un lien entre sa vie, sa mort et la résurrection. Comment s’établira, du point de vue de Jésus, le sens de sa mort ? Par le détour interprétatif des Écritures, dont il s’agira de dégager les conditions herméneutiques. Cette deuxième étape de notre questionnement nous place franchement à l’intérieur du programme narratif de Jésus.

La troisième question devient cruciale et la petite pierre d’achoppement devient une grande pierre qui risque d’obstruer la vue lorsque la parole de Jésus sera elle-même mise en position de parole à interpréter par les disciples. Encore une fois tout se joue dans un épisode à première vue inoffensif : dans les dits préparatifs au repas.

Le premier jour des Pains sans levain, où l’on immolait la Pâque, ses disciples lui disent : « où veux-tu que nous allions faire les préparatifs pour que tu manges la Pâque ? » Et il envoie deux de ses disciples et leur dit : « Allez à la ville; un homme viendra à votre rencontre, portant une cruche d’eau. Suivez-le et, là où il entrera, dites au propriétaire : “Le maître dit : où est ma salle, où je vais manger la Pâque avec mes disciples ?” Et lui vous montrera la pièce du haut, vaste, garnie, toute prête; c’est là que vous ferez les préparatifs pour nous. » Les disciples partirent et allèrent à la ville. Ils trouvèrent tout comme il leur avait dit et ils préparèrent la Pâque. (Mc 14, 12-16)

Voilà une pierre de taille, qu’il serait tentant de rejeter : pourquoi le texte introduit-il cette parole en apparence prophétique de Jésus, à propos d’un détail insignifiant, telle la localisation de la salle du repas ? Qu’apporte au texte ce détail négligeable ? En quoi ce détail contribue-t-il à expliquer l’enjeu de l’interprétation de la mort de Jésus ? Et quel lien y a-t-il entre cette question du « où veux-tu que nous allions faire les préparatifs pour que tu manges la Pâque ? » (Mc 14, 12) et la question de Pilate sur le temps de la mort du corps de Jésus ? En quoi l’écoute de ces pierres d’achoppement permet-elle d’entendre un parcours de l’interprétation de la mort de Jésus à l’intérieur du texte lui-même ?

1. Le temps de la mort

Pilate ne parle jamais autrement qu’en posant des questions. Lors de la comparution de Jésus devant lui, il interroge, il est étonné, puis il livre le corps condamné de Jésus. Après la mort, il s’étonne, il interroge encore, et il livre le corps mort ‑ le cadavre. Il est celui par qui se réalise le programme narratif « d’être livré pour être tué », et il joue le rôle de celui qui constate la réalisation du programme de mort des grands prêtres. Il est aux prises avec un corps qui transite par lui, un corps qui passe par ses mains, et son rôle semble avoir une spécificité : poser des questions sur la valeur et l’enjeu du programme de mort. Voilà ce qui semble à peu près obvie pour la comparution. Mais pourquoi, après la mort, s’étonne-t-il qu’il fût déjà mort et demande-t-il s’il était mort depuis longtemps ? Précisons notre question : qu’apporte au texte cette interrogation sur le temps ? À la comparution, il était étonné devant le silence de Jésus, et le voilà étonné qu’il fût déjà mort. Dans les deux épisodes, il interroge sur ce qui l’étonne.

Dans les deux épisodes, la comparution et après la mort, Pilate joue le rôle de celui qui prend une distance devant les faits bruts et qui interroge leur valeur. À la comparution, l’enjeu de son questionnement porte sur l’identité de celui qui est condamné, ce qui retentit sur le bien-fondé de l’accusation. Après la mort, son étonnement sur le temps fait intervenir un écart par rapport à la réalisation réussie du programme de mort : déjà mort ? Alors que pour lui, la valeur de cette vie n’aura pas eu le temps de se déterminer, de se fixer. Fallait-il vraiment qu’il meure alors que la cause semble encore en suspens ? En regard de la suspension du jugement quant à la détermination de l’identité de cet homme ‑ qui était-il ? Le roi des Juifs ? qu’a-t-il fait de mal ? ‑, sa mort inscrit l’irréversibilité du réel. Entre le jugement évaluatif et le réel de la mort, Pilate demeure suspendu à son interrogation. C’est l’étonnement qui semble gagner la partie : nous sommes en présence d’une séquence interrompue, brisée, séquence qui ne porte pas de fil conducteur dans la trame du récit.

Les grands prêtres, pour leur part, se prononcent sans équivoque et condamnent à mort avec certitude. Ils évaluent positivement le bien-fondé de leur programme de mort. Selon Pilate par contre, la mort intervient trop tôt ‑ mais fallait-il vraiment qu’elle intervienne ? Son interrogation remet en cause le bien-fondé du programme de mort. Il ne s’agit pas d’un remords de conscience, ce qui serait moraliser l’affaire, mais bien plutôt d’une évaluation de la valeur du programme lui-même, réalisé trop hâtivement en regard de la résolution de sa valeur. Le rôle de Pilate consiste donc à créer une distance interprétative par rapport au fait de la mort : quel est le sens de cette mort, quel était le sens de la vie de cet homme mort, comment évaluer la légitimité du programme de mort ? Déjà mort ? Une mort qui est désormais irrévocable, et qui condamne à l’inutilité tout questionnement. Il ne reste qu’à livrer le cadavre, geste analogue à livrer le corps condamné, où la mort était programmée irréversiblement. Trop vite ‑ n’aurait-il pas été possible de suspendre le vol du temps pour demeurer dans cet écart interrogatif ? Mais précisément, l’écart n’avait d’autre fondement qu’interrogatif, et rien n’aurait pu le faire avancer vers une décision ou une autre. Pilate figurativise un étonnement immobile, et pour lui le temps sera toujours trop rapide, car son interrogation qui cherche à interpréter les faits n’a rien d’autre à quoi s’accrocher que l’étonnement.

En fait, pour Pilate, le temps s’était arrêté lors de l’interrogation : il n’a pu saisir l’identité de Jésus et cette impossibilité a stoppé chez Pilate la possibilité de jugement critique. Il en était encore là lorsqu’il a appris la mort de Jésus. L’étonnement n’est ainsi pas relatif au temps de la mort physique qui arrive prématurément, mais plutôt à l’absence de réponse quant à l’identité de Jésus. Celui-ci est mort sans qu’il sache qui il était !

L’immobilisme provoqué par l’étonnement de Pilate permet de situer plus clairement les positions antinomiques – celles des grands prêtres et celle de Jésus ‑ et de suspendre le temps. La figure de l’étonnement détone dans le programme narratif des grands prêtres. Elle met en relief la figure de « roi des Juifs » et, d’une certaine manière, la consacre : on la retiendra.