J.Y. Thériault, Genèse, 6-9
la mise en discours du déluge.

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Listes des ouvrages cités ou consultés

DUMAS, Didier. 2001. La Bible et ses fantômes, Paris, Desclée de Brouwer. La Bible, Nouvelle Traduction (BNT). 2001. Paris, Bayard. OVIDE. 1966. Les métamorphoses, livre I / 260-450, traduction, introd. et notes par Joseph Chamonard, Paris, Garnier-Flammarion, p. 46-54. PANIER, Louis. 2003. « Fusion ? Dispersion ? Articulation ? Babel : une dynamique de la différence », dans PÉNICAUD, Anne. 1998. « L’histoire de Noé » Sémiotique et Bible, n° 91, p. 33-52. Traduction œcuménique de la Bible (TOB). 1984. Paris, Cerf / Les bergers et les mages Jean-Yves Thériault, le 24 mai 2004 Le rédacteur de ce travail de lecture sémiotique assume la responsabilité entière des options qui y sont prises, l’interprétation étant ancrée dans un sujet d’énonciation construit par l’analyse figurative et narrative. L’usage du « nous » d’auteur veut cependant souligner l’apport des collègues du groupe ASTER pour l’étude de ce récit selon la problématique commune présentée dans cet ouvrage collectif. Ces observations ont amené les adeptes de l’exégèse historico-critique à discerner au moins deux grandes traditions à la source de ce texte On peut retrouver dans les notes de bas de page des traductions françaises la répartition du récit selon ces deux grandes traditions, yahviste et sacerdotale. Tout en reconnaissant la possibilité d’une composition par amalgame de sources, nous cherchons à comprendre ce texte dans son état actuel, montrant comment il est lisible comme un tout de signification. S’il nous paraît utile d’enregistrer certaines observations, c’est pour mieux cerner comment notre texte organise ces éléments en réseaux narratif et discursif, pour construire un seul ensemble signifiant, pour rendre compte des transformations sémantiques produites par de telles mises en discours. Le travail de lecture est fait sur la Traduction Œcuménique. Pour retrouver la saveur originelle de certaines figures, des références seront occasionnellement faites au texte massorétique (hébreu) et à d’autres versions françaises, notamment La Bible, Nouvelle Traduction. Ainsi, comme dans la BNT, le terme adam est conservé là où il se trouve en hébreu : c’est un nom collectif pour désigner les êtres humains ou l’humanité, en référence au sol (adamah) insufflé de vie par Dieu. Nous devons ces observations à Louis Panier, p. 2-3. Apparaissent aux versets 2 et 3 deux noms pour l’acteur divin : « Dieu » et « le Seigneur ». Ces deux noms s’entrecroisent tout au long de notre texte. Le terme « Dieu » traduit l’hébreu Elohîm, pluriel du mot « el », nom générique pour désigner tout dieu dans la bible. Le vocable « le Seigneur » rend le tétragramme du nom propre au Dieu de Moïse et d’Israël YHWH. À s’en tenir aux vocables seuls, « Dieu » est une désignation plus générale de la divinité, tandis que « le Seigneur » comporte nécessairement l’idée d’une relation avec quelqu’un qui reconnaît l’être divin comme Seigneur. Didier Dumas (livre cité) tient compte de cette double appellation dans sa lecture psychanalytique. Notre lecture sera aussi attentive aux parcours respectivement liés à ces deux dénominations de l’acteur divin dans le réseau figuratif et narratif immédiat de chaque occurrence, sans toutefois mettre l’attention sur leurs différences. Nous les prenons comme figures distinctes de l’acteur divin que le texte tisse en réseau pour élaborer progressivement la signification dans ce récit. En Gn 6, 1-4 les « fils » sont d’Elohim, mais ni « Dieu », ni « le Seigneur » ne parlent de ces êtres comme « leurs » fils. Nous retenons ici le terme souffle au lieu d’Esprit pour garder l’image de l’haleine de vie insufflée dans l’adam lors de sa création, ce qui en fait un être vivant (Gn 2, 7). Et pour l’action de cette ruah nous préférons animer (ce que normalement fait le souffle) à diriger (TOB) ou demeurer (BJ). Rappelons que nous considérons « Dieu » et « le Seigneur » comme deux figures données au même acteur ; chacun des vocables inscrit l’acteur divin sur des parcours semblables du point de vue narratif mais distincts au plan figuratif. Jusqu’ici, « le Seigneur » fait figure d’un acteur divin qui a une connaissance intime de l’être humain animé du souffle divin. À partir de 6, 9 « Dieu » semble désigner l’acteur divin en face d’une humanité faite de toute chair sur la terre, qui trace « les voies » à suivre en considérant les générations humaines. Cette observation nous vient de Anne Pénicaud, p. 38. Des figures spatiales décrivent le comportement humain : soit un mouvement orienté de l’extérieur, dans le parcours figuré comme « marcher dans » ou « suivre les voies de Dieu » ; ou bien un mouvement animé de l’intérieur dans l’image du v. 6, « aller où penche son cœur ». La version de la TOB fait apparaître le Seigneur en 7, 23. Cette figure de l’acteur Dieu ne se trouve pas dans le forme passive hébraïque : ainsi furent effacés tous les êtres. La TOB introduit un sujet identifié à partir du contexte. Notre lecture retient la forme passive sans cette occurrence du lexème le Seigneur. C’est un calendrier différent du nôtre, propre à l’usage liturgique juif ancien. Dit des Jubilés, il fut utilisé, entre autres, dans la communauté de Qumran sur la rive de la mer Morte. Il comporte quatre trimestres identiques de 91 jours organisés en 13 semaines. En répétant ce trimestre standard quatre fois, nous obtenons une année de 364 jours, qui commence toujours un mercredi, dans laquelle les fêtes reviennent à des dates fixes au même jour de la semaine. L’envoi du corbeau reste plus difficile à interpréter et à intégrer. L’objectif du geste n’est pas manifesté dans le texte comme c’est le cas pour la colombe. Il semble faire des allers et retours incessants jusqu’à un moment déterminé par l’apparition de la terre ferme au retrait des eaux. L’absence de toute autre donnée temporelle laisse croire qu’il effectue ce manège en parallèle avec l’activité de la colombe. Ses allers et retours scandent le temps de la reprise de contact avec le sol et ils marquent l’espace intermédiaire de reprise de contact entre terre et ciel. Il est en cela bien différent de quelques autres récits de notre corpus, tels… Il conviendrait peut-être ici de faire un rapprochement avec Gn 4, 7, ce mystérieux propos relatif au péché « tapi à la porte » de Caïn. Interprétation tirée principalement de l’article d’Anne Pénicaud, p. 49-50.